Essais du cycle de vie des systèmes de synchrophaseurs utilisés pour la protection, la surveillance et le contrôle
Les systèmes synchrophaseurs constituent une suite de solutions différentes destinées à répondre à divers besoins d'applications à l'échelle d'un grand réseau. Ce qui caractérise les systèmes synchrophaseurs et qu'on ne trouve pas habituellement dans les autres infrastructures de mesure mises en œuvre dans les réseaux électriques est énuméré ci-dessous :
• La conception est très sensible à la précision de la référence de temps (horloge), fournie par un récepteur physique GPS/GNSS installé dans le poste à proximité de l'IED (Dispositif Electronique Intelligent), ou par un "récepteur GPS/GNSS virtuel" situé loin du poste. (GNSS : Géolocalisation et Navigation par Systèmes de Satellites)
• Les solutions globales sont habituellement réalisées en faisant appel à des composants matériels/logiciels fournis par des constructeurs différents. Il en résulte un besoin de cohérence des performances entre les fournitures des différents constructeurs.
• Les solutions sont très souvent utilisées par différents groupes d'experts, au sein d'une même compagnie d'électricité, mais aussi pour plusieurs activités, comme par exemple un Gestionnaire de Réseau de Transport (TSO) et un Opérateur de Système Indépendant (ISO). Cela peut demander que les politiques de gestion du cycle de vie soient cohérentes entre les multiples entités légales (entreprises) et, peut-être, les juridictions fédérales/régionales impliquées.
Chef de file
(US)
M. KEZUNOVIC
N. ANTII-JUHANI (FL), R. BHARAT (AU), M. GREENWOOD (NL), Y. LIU (US), D.V.S. STEARN (GB)
Membres correspondants : T. BI (CN), D. DUBININ (RU), H. LIU (CN), R. FERNANDES (BR)
Contributeur : M. KEZUNOVIC (US)
Le flux bout à bout des données dans un système synchrophaseur est présenté dans la Figure 1.
Sur la figure on peut remarquer que la solution est constituée de différentes entités: des IED de Mesure des Phaseurs (PMU, DPR, DFR, etc.), des Concentrateurs de Données de Phaseurs (PDC), et de nombreux serveurs de communication, de gestion des données et de visualisation assurant des fonctions de passerelles, de stockage de données et de moteurs d'analyse des données. Pour garantir que le système satisfait les exigences d'interopérabilité, on doit anticiper les possibles développements ultérieurs du système. Les systèmes synchrophaseurs sont plutôt complexes et exigent une gestion adaptée de leur cycle de vie, qui porte non seulement sur les dispositifs individuels, tels que les PMU et les PDC, mais aussi sur la totalité de la solution système, intégrant de nombreux équipements et les besoins de communications.
Discussion
Dans la Brochure Technique (BT) on commence par présenter les questions en rapport avec la définition des systèmes synchrophaseurs, et les architectures envisageables. La conclusion principale tirée est que les systèmes synchrophaseurs peuvent être constitués de nombreux composants tels que les Unités de Mesure de Phaseur (PMU),des Concentrateurs de Données de Phaseur (PDC), ainsi que des récepteurs des signaux d'horloge précis et des systèmes de communication, ce qui en fait des systèmes très complexes à mettre en service, à tester et à maintenir. Du fait de leur rôle important, il est vital de vérifier soigneusement leur conformité aux normes, de les mettre en place avec des essais appropriés de mise en service, et de les tester périodiquement, quand des extensions sont réalisées, ou en cas de mauvais fonctionnement.
On examine à la suite les normes en rapport avec le sujet des synchrophaseurs. Ces normes ont été développées essentiellement par l'IEEE et la CEI, mais il existe quelques normes publiées au plan national pour répondre à des besoins spécifiques relatifs à un pays donné, comme la Chine par exemple. On en présente ensuite un résumé rapide.
La norme IEEE C37.118.1-2011 et sa version modifiée IEEE C37.118.1a-2014 “IEEE Standard for Synchrophasor Measurements for Power Systems” donne des spécifications de base pour la précision et le temps de réponse de la mesure d'un synchrophaseur réalisées par une PMU. Le concept principal, établi en 1995, est resté fondamentalement le même, les mesures doivent être précises à moins de 1% de l'Erreur Totale sur le Vecteur (TVE). Des ajustements ont été apportés sur la fréquence et la vitesse de variation de la fréquence (ROCOF).
En 2014 la norme IEEE C37.118.1-2011 a été révisée pour relâcher certaines exigences de performance, parce qu'il a été constaté, après la publication de la norme originelle, qu'il était impossible de satisfaire certaines spécifications avec l'algorithme de référence proposé. La conformité totale avec la norme C37.118.1-2011 n'était pas possible avec l'utilisation de l'algorithme de référence, et il faut donc toujours se référer à la norme IEEE C37.118.1a-2014.
La dernière révision à ce jour de la norme C37.118.1 a été publiée en 2018. Elle inclut une extension optionnelle de l'exigence de 1% de la TVE. Les constructeurs peuvent maintenant spécifier la précision séparément pour la phase et pour l'amplitude. L'extension optionnelle peut être très utile quand on veut spécifier des PMU qui demandent une précision supérieure à 1% de la TVE pour certaines applications. Une autre option laissée aux constructeurs d'afficher la conformité pour un certain taux de rapport, ce qui limite les besoins d'essais à tous les taux possibles. La norme, publiée avec la CEI, est ainsi une norme dénommée "double logo", et elle est intitulée IEEE 60255-118-1-2018, ou CEI/IEEE 60255-118-1 Edition 1.0 2018-12. Il faut mentionner que IEEE propose un Programme d'Evaluation de Conformité (ICAP) pour les normes IEEE C37.118.1-2011 et IEEE C37.118.1a-2014. IEEE propose un programme séparé pour la norme CEI/IEEE 61850-9-3:2016. A ces programmes est associée une sélection de laboratoires qui réalisent des essais de conformité à ces normes pour les PMU ainsi que pour les dispositifs d'horloge.
Il a été aussi noté que IEEE a aussi présenté, dans la publication IEEE C37.242-2013, un guide concernant la synchronisation, la calibration, les essais et l'installation des PMU. Cette norme peut être utilisée comme un document de référence pour la mise en œuvre des PMU dans un Système de Mesure à grande échelle dans un réseau (WAMS). Une révision est planifiée, et en conséquence une version révisée sera publiée en 2021, à laquelle on devra se reporter pour des informations supplémentaires.
On débat ensuite, dans la BT, des exigences en matière d'intégration. Il est reconnu qu'il y a un besoin de devoir intégrer des équipements de constructeurs différents pour réaliser un système complet. Les équipements individuels doivent être capables de communiquer entre eux en utilisant des normes communes –c'est ce qu'on appelle l'interopérabilité. C'est une capacité différente de l'interchangeabilité, par laquelle un équipement quelconque peut être remplacé par un autre équipement sans affecter la fonctionnalité du système global. Quand deux équipements, ou plus, sont interopérables, il est possible de les intégrer dans un système, mais un certain effort d'ingénierie est à faire pour garantir qu'ils fonctionnent ensemble correctement. Pour le synchrophaseurs ces concepts sont tout particulièrement importants, parce les signaux à gérer peuvent avoir été émis par une multitude de dispositifs de type différent, allant de dispositifs autonomes à des relais de protection ou à des enregistreurs de perturbation dédiés.
Au vu de l'état de l'art de l'industrie, la majorité des essais, y compris la calibration et les essais de type, est réalisée lors dès les premières étapes, pendant des essais d'acceptation. Ce travail est exécuté dans des laboratoires spécialisés qui utilisent des équipements d'essai plutôt complexes, parmi lesquels on trouve souvent des simulateurs temps réel. Les essais de cette nature portent surtout sur des exigences imposées dans les normes existantes, qui concernent majoritairement les composants et les sous-systèmes.
Dans la mesure où l'équipement a passé des essais de type qui vérifient que les fonctionnalités satisfont les exigences des normes applicables, tant pour la précision que pour l'interopérabilité avec les autres équipements, les essais de mise en service habituellement réalisés vont probablement être minimaux, avec des vérifications portant sur l'amplitude et l'information de direction, et sur les réglages locaux du dispositif (fréquence d'échantillonnage par exemple), et l'exactitude de l'étiquetage du temps.
L'essai global de toute la chaîne n'est habituellement pas pratiqué pour l'acceptation, du fait de sa complexité et des besoins d'outils de test et de procédures sur site. Comme les installations existantes sont encore confrontées à des problèmes significatifs de données défectueuses (Rapport NASPI 2017-TR-002, “PMU Data Quality: A Framework for the Attributes of PMU Data Quality and a Methodology for Examining Data Quality. Impacts to Synchrophasor Applications”), il est prudent de rechercher comment les problèmes de cette nature peuvent être détectés au moment de la mise en service et lors des différentes phases de la gestion du cycle de vie d'exploitation.
Il faudrait porter une attention toute spéciale au problème des compatibilités et des interopérabilités ascendantes, et à la façon dont ces exigences sont validées lors des essais, en laboratoire ou sur site.
La BT aborde ensuite les spécifications des essais de cycle de vie pratiqués dans plusieurs pays, Brésil, Chine, Inde, Finlande et Russie. Les spécifications des systèmes qui induisent ces pratiques d'essai sont développées dans les annexes de la BT, qui soulignent les exigences des pays mentionnés. Sur la base de ces pratiques il apparaît que des essais de mise en service et des essais en exploitation sont nécessaires. Alors que les essais de mise en service sont effectivement exécutés, on ne voit pas clairement comment les mises à niveau des équipements du système sont validées, c. à d. si le système global doit être revalidé par des essais après des mises à niveau importantes. On a également remarqué que les essais d'interopérabilité n'étaient pas toujours réalisés, la conformité du constructeur aux normes des équipements individuels étantt jugée suffisante pour assurer l'interopérabilité entre les différents constituants du système syncrophaseur.
Il apparaît que les outils d'essai disponibles commercialement ont des performances suffisantes pour réaliser les essais de mise en service et les essais en exploitation. Au plan mondial Omicron, Doble et Fluke sont des fournisseurs de matériel d'essai des PMU. Le "precise signal generator" de Doble et le "PMU Calibrator 6135A" de Fluke sont utilisés pour les essais, respectivement sur site et en laboratoire. Le "CMC 256plus protection relay test set" d'Omicron est recommandé par Omicron, tant pour les essais sur site qu'en laboratoire. Comme l'essai global n'a pas été mentionné explicitement comme une nécessité, aucun outil qui pourrait être utilisé pour de tels essais n'a été défini.
Plusieurs recommandations sont avancées à la fin de la BT :
- Concernant les normes, la norme IEEE la plus pertinente à recommander est la version révisée de la norme "IEEE Guide for Synchronization, Calibration, Testing, and Installation of Phasor Measurement Units (PMUs) for Power System Protection and Control", IEEE C37.242-2013, à publier en 2021. Si un pays détient des normes plus détaillées qui guident les étapes de tels essais, il faut les utiliser pour compléter les normes IEEE. Des normes et des méthodes d'essai détaillées IEEE et/ou CEI, sont nécessaires pour l'avenir.
- Comme les PMU sont utilisées pour des applications temps réel plus critiques, telles la protection et le contrôle, des pratiques d'essai plus rigoureuses doivent être mises au point, tout particulièrement pour les essais en exploitation. A ce jour, le manque d'outils d'essai et de procédures pour les essais en exploitation est visible. De même les essais globaux de bout en bout, et impliquant des applications, ne sont pas bien définis. On recommande fortement que les utilisateurs finaux réfléchissent aux besoins d'essais de bout en bout, en ayant présent à l'esprit le fait que les applications temps réel exigent des performances généralement plus poussées qu'il faut garantir à tout moment pour le bon fonctionnement des applications qui utilisent ces applications.
- Il est reconnu que les utilisateurs finaux ne peuvent pas compter sur du personnel suffisamment qualifié qu'ils puissent utiliser pour calibrer, tester, maintenir et surveiller le bon fonctionnement des systèmes à synchrophaseurs. Il est recommandé de modifier cette pratique, en reconnaissant l'importance des essais et en allouant les ressources appropriées à la réalisation des activités correspondantes. Cette pratique et son importance pour un déploiement réussi d'un système synchrophaseur doivent être réexaminées fréquemment pour déterminer si certaines procédures et les équipements associés ne nécessitent pas des remises en question, avec en conséquence un besoin de formation ou de complément de formation du personnel. L'implication des institutions académiques dans les programmes de formation est fortement encouragée
- Il est très souhaitable que les activités du Comité d'Etudes B5 sur le sujet de la gestion du cycle de vie des synchrophaseurs soient concentrées sur les PMU des réseaux de distribution (DPMU). Ce sujet évolue rapidement et ses spécifications sont différentes de celles des applications du transport. Dans de nombreux pays de par le monde des projets de DPMU ont été lancés, et l'industrie a besoin de directives en matière de gestion du cycle de vie. Créer un groupe de travail pour traiter ces questions serait opportun.
Finalement la BT suggère de futures étapes :
- a) les utilisateurs finaux devraient continuer à examiner les systèmes à synchrophaseurs dans une approche holistique, en définissant les essais de cycle de vie et les procédures de calibration ;
- b) les fournisseurs doivent être prêts, en fonction des besoins, à proposer et à réaliser des essais d'interopérabilité, pour vérifier que les systèmes globaux existants peuvent être rénovés en utilisant les nombreux produits apparaissant sur le marché ;
- c) les institutions de normalisation doivent développer des procédures d'essai des applications qui englobent les essais de bout en bout de l'infrastructure de synchrophaseur sous-jacente ; et
- d) les consultants, les fournisseurs, et les chercheurs académiques doivent développer les études fondamentales nécessaires pour mieux comprendre le fonctionnement des synchrophaseurs pour les régimes transitoires, et pour recommander des procédures appropriées de calibration et d'essais, au-delà de ce qui est actuellement défini dans les normes.