Systèmes d'automatisation des postes basés sur la CEI 61850 – Attentes des utilisateurs et interactions des parties prenantes
La parution de la série des normes CEI 68150 a vu le début du remplacement de l'usage des anciens protocoles maison et des protocoles basés sur la CEI 60870-56103 dans les systèmes numériques d'automatismes des postes (DSAS). Son objectif était de permettre l'interopérabilité des Dispositifs Electroniques Intelligents (IED) de fournisseurs différents dans un système d'automatisme, et d'accroître l'efficience de l'ingénierie des postes. Son champ d'application s'est plus tard étendu au-delà des limites d'un poste et la CEI 68150 aspire à devenir LA norme utilisée partout dans le monde, dans les postes et aussi dans d'autres domaines.
Chef de file 1
(BE)
G. HUON
Chef de file 2
(FI)
P. LINDBLAD
Secrétaire
(US)
P. MYRDA
R. LIPOSCHAK (US), D. MOERS (BE), B. CAFFERTY (IE), R. HUG (CH), B. KAPKAC (SE), Q. HONG (UK), J. HOLBACH (US), Y. YIN (CA), I. ROHLEDER (CH)
Membres Correspondants : R. DIAS PAULO (PT), C. HOSU (RO), I. METS (EE), I. YOUNG (AU), M. PAULINOꭞ (BR)
Des Groupes de Travail CIGRE ont dans le passé publié les rapports suivants sur la CEI 61850 :
- BT 466: Guide d'ingénierie pour les SAS numériques de poste basés sur la CEI 68150
- BT 329: Guide pour la spécification et l'évaluation des systèmes d'automatisme des postes
- BT 326: Introduction de la CEI 61850 et son impact sur les protections et les automatismes des postes
- BT 584: Les implications et les avantages des schémas normalisés de protection et d'automatismes
- BT 628: Les besoins de documentation relatifs au cycle de vie des DSAS
Ces publications ont été prises en compte par le Groupe de Travail (GT), pour éviter de répéter beaucoup des éléments précédemment publiés.
Cependant au cours des premières années d'application de la CEI 68150, plusieurs rapports et point de vue ont été publiés, mettant en lumière les difficultés particulières rencontrées par les utilisateurs du transport d'électricité dans la conception, la configuration, les essais et la maintenance des systèmes CEI 68150. Au début les systèmes basés sur la CEI 68150 ont été vendus avec enthousiasme par les fournisseurs, avec pour ambition de remplacer rapidement les systèmes basés sur la CEI 60870-5-103. Mais, du fait de l'interopérabilité restreinte des produits basés sur la CEI 68150 et du niveau de complexité relativement élevé de la norme et des solutions proposées, plusieurs projets ont vécu beaucoup de difficultés et de compromis. Les utilisateurs n'étaient pas satisfaits de cette phase "essayer et corriger". Il a semblé qu'il n'existait qu'un tout petit nombre de spécialistes capables de résoudre les difficultés d'utilisation, et que la norme permettait une flexibilité trop large qui faisait que son application impactait le niveau d'interopérabilité (Figure 1).
Structure et contenu de la Brochure Technique
Le rapport donne les résultats de l'examen par le GT des difficultés rencontrées lors des premiers cas de mise en œuvre de la norme CEI 68150, et présente les attentes des utilisateurs et les interactions entre parties prenantes qui sont requises pour améliorer l'interopérabilité. Il fournit aussi quelques exemples de solutions de rechange, telles que les profils d'utilisateur et les agréments de mise en œuvre.
La description détaillée du contexte, des objectifs et du champ des travaux du GT fait l'objet du Chapitre 1 “Introduction”.
Les attentes des utilisateurs de la CEI 68150, qui sont décrites dans le Chapitre 2 "Attentes des utilisateurs", constituent la partie principale du rapport. Tout d'abord sont exposées les attentes en matière de caractéristiques d'interopérabilité de la CEI 68150.
A la suite sont présentées les attentes concernant la compatibilité amont des produits IED, des logiciels et des bus de communication. Puis suivent les attentes des utilisateurs en matière d'amélioration des processus d'ingénierie des postes, parmi lesquels les processus de spécification et de configuration des DSAS. Comme les modèles des données de la CEI 68150 sont importants ils sont décrits dans un sous-chapitre dédié. En matière de télécommunications seul un petit nombre d'attentes est identifié. Par ailleurs, comme la qualité de la documentation est une question essentielle, plusieurs exigences et souhaits relatifs à la documentation sont formulés dans le rapport. En matière d'attentes des utilisateurs, le domaine des essais semble susciter encore plus de discussions, et en conséquence plusieurs sous-chapitres sont consacrés aux attentes exprimées en matière d'essais. Plusieurs attentes sont également formulées en matière d'exploitation et de maintenance des postes CEI 68150. Finalement le chapitre se conclut avec les points de vue du GT sur des attentes particulières sur la mise en place des bus procédé.
Le chapitre 3, “Interactions des parties prenantes", débute par un examen de qui sont les parties prenantes du processus de normalisation, et de quelles sont les interactions nécessaires. Le développement des normes CEI, le développement des profils utilisateurs, et les essais de conformité et de vérification de l'interopérabilité, sont des exemples d'interactions. Les interactions entre les parties prenantes sont différentes et dépendent de la méthode de contractualisation adoptée, comme du rôle des parties prenantes dans les contrats. Deux types relativement "opposés" de méthodes de réalisation de poste et de contractualisation sont décrits, l'un correspondant à l'approche "maison" avec des contrats cadres, l'autre étant le contrat "clés en main". De même façon les différences entre les interactions des parties prenantes vont dépendre de la façon dont la maintenance des DSAS est assurée, soit avec les moyens internes, soit externalisée, et quelques exemples sont mentionnés.
Dans le chapitre 4, on conclut que la norme CEI 68150 est une norme dont la mise en œuvre dans l'ensemble des produits et des outils est compliquée. Ceci fait que des difficultés ont été rencontrées dans les premières années de sa mise en œuvre. A la suite de ces difficultés les utilisateurs finaux ont mis en avant plusieurs sujets, comme le souhait d'une amélioration de l'utilisation de la norme CEI 68150. Même si beaucoup de travail et d'efforts ont été déjà consacrés à l'amélioration des produits et des outils, ainsi qu'à l'amélioration de l'expertise, des méthodes et des procédures, les ingénieurs de protection et de contrôle ont encore besoin de temps pour développer plus avant et professionnaliser l'utilisation de la norme. Pour les utilisateurs finaux Il sera ainsi possible de bénéficier de la majeure partie, et des aspects les plus intéressants, des possibilités et des avantages de la norme, parmi lesquels l'interopérabilité et la facilité d'application sont essentielles.
Quelques exemples et cas d'application sont fournis à la fin, dans les Annexes. Sont donnés un exemple de surveillance utilisant GOOSE et des exemples d'approches suivies par quelques compagnies d'électricité dans l'application de la CEI 68150, dans la réalisation de leurs projets de DSAS, ainsi que dans leurs processus d'exploitation et de maintenance.
Conclusions
Les principales attentes des utilisateurs des solutions CEI 61850 peuvent se résumer ainsi :
- Exploiter tous les avantages de l'interopérabilité entre IED et produits de fournisseurs différents, pour réduire les risques de mode commun, pour bénéficier des meilleures possibilités offertes par les produits d'aujourd'hui, et pour améliorer la gestion de l'obsolescence et la mise à jour des plateformes de communication ;
- Les IED et les produits, comme les outils, doivent être flexibles pour rendre facile l'utilisation, dans la même installation, de produits de différents fournisseurs, ou conformes à une des versions, 1 et 2, de la norme CEI, et de les configurer avec le même outil. Cela implique une claire visibilité du firmware et de ses versions ;
- L'efficience du processus d'ingénierie des DSAS doit être accrue par l'utilisation de la CEI 68150 sur l'ensemble du cycle de vie du poste (Figure 2). Ceci présuppose, par exemple, la facilité d'utilisation, l'efficience du processus, une communication de niveau utilisateur, l'indépendance par rapport au fournisseur et la souplesse de conception. Le langage SCL demande des améliorations dans la conception et la validation d'IED et de systèmes virtuels, ainsi que dans la description du réseau de communication ;
- Dans l'idéal le modèle des données devrait être défini strictement pour éviter de laisser la porte ouverte à des interprétations, et éviter d'utiliser des nœuds logiques avec une perte sémantique. Mais par ailleurs d'autres utilisateurs, ou groupes d'utilisateurs, peuvent avoir d'autres manières d'utiliser la norme, et il faudrait donc que la norme autorise la création de profils fonctionnels d'application des utilisateurs pour les modèles de données, de façon interopérable et indépendante, et permette à l'utilisateur de décrire les fonctions de son application dans sa spécification technique ;
- Le réseau de communication et ses équipements devraient toujours permettre l'utilisation dans la durée de normes internationales, et les nouvelles mises à niveau, et être compatibles avec les versions antérieures. Ceci s'applique à l'utilisation de CEI 61850 Ed.1/2/x, de PRP/HSR, des versions IP, etc. ;
- La transition vers une ingénierie basée sur un modèle devrait réduire le volume de la documentation, et accroître l'efficacité, la facilité de gestion et la qualité du processus. La documentation des DSAS devrait inclure les conventions de désignation et la modélisation des objets, le réseau de communication, les flux et les échanges de données, les outils et l'optimisation de la documentation d'ensemble ;
- Pour le bénéfice des utilisateurs il faut développer et améliorer les procédures, les outils et la documentation d'essai, intégrant les procédures de mise en service et la création d'une documentation reflétant la réalisation effective. Plusieurs souhaits portent sur des outils d'essai appropriés et faciles à utiliser, comme des méthodes de séparation virtuelle, de simulation, de surveillance et d'essais, tant pour les utilisations du poste que pour celles du bus procédé, pour les messages GOOSE et MMS. Les outils devraient comprendre une détection performante des erreurs des bases de données et une validation des données d'entrée, un protocole d'audit, des moyens de correction et de comparaison, ainsi que des outils d'importation et exportation de fichiers SCL qui permettront l'interopérabilité entre des IED de fournisseurs différents, un contrôle de cohérence de l'ensemble du fichier SCL, et des moyens de comparaison pour gérer les différentes versions des fichiers ;
- Gagner par une améliorant de la fiabilité opérationnelle des DSAS, qui se traduira par un risque d'erreurs humaines moindre et une gestion plus efficace des informations, et par une gestion et une maintenance plus performantes des actifs DSAS, par la gestion des évolutions, par le suivi des défauts et du MTTR des équipements défaillants, c. à d. gagner grâce à une meilleure efficacité. Ceci implique un meilleur niveau de surveillance d'état des équipements du poste, et un maintien à jour et une gestion des versions de tous les équipements et outils PAC ;
- Pour obtenir l'interopérabilité dans la mise en œuvre des bus procédé, qui concerne aussi les merging units (interface, performance), et gagner en sécurité des personnes dans la réalisation des essais en ligne, des améliorations dans la signalisation des modes d'essai et dans le traitement des mesures (par ex. somme, connexion), une synchronisation temporelle intégrée avec protocole PTP et une tenue renforcée aux erreurs.
Pour développer avec succès et utiliser efficacement une norme internationale complexe comme la CEI 68150, et pour répondre à tous les défis que représentent les attentes des utilisateurs évoqués auparavant, l'ensemble des parties prenantes doit s'impliquer. Les retours d'expérience des utilisateurs doivent être collectés par tous les groupes de parties prenantes, et en particulier par les utilisateurs et propriétaires, les consultants et ingénieurs, les responsables des essais de conformité et les développeurs des constructeurs. Il faut aussi réexaminer les questions traditionnelles d'organisation des groupes d'experts de télécommunication et de protection distincts.
Il pourrait être intéressant de conduire une analyse rigoureuse des manques dans la série des normes CEI 68150, par un groupe tel que ENTSOE, quand seront développés les profils des applications de base, avec pour but d'atteindre une interopérabilité plus élevée (Figure 3).
Figure 3 - Interactions between stakeholders / Continuous improvement cycle [1]
La politique d'achat des postes et des projets de mise à niveau de leur DSAS a un impact sur la gestion et du contrôle de la connaissance de la CEI 68150. Ils sont différents entre les utilisateurs qui font par eux-mêmes et ceux qui externalisent la mise œuvre. "Qui doit savoir quoi" dépend de "qui fait quelle partie du travail". Des schémas PAC normalisés dont le type est approuvé, qui sont préconfigurés et pré-testés, seraient d'un grand avantage dans le cas de l'externalisation. Des contrats cadres pourraient être très utiles, également.
De même les interactions des parties prenantes dans les processus d'exploitation, de maintenance et de service, dépendent de l'organisation de l'exploitation et de la maintenance (O&M) dans la compagnie d'électricité, et ses politiques. Les différentes tâches peuvent réalisées par du personnel maison, ou externalisées. Une bonne interaction entre les parties impliquées est nécessaire pour obtenir une surveillance d'état efficiente, une collecte et une analyse des informations de fonctionnement, un retour (de l'exploitation aussi) vers les spécialistes de la gestion des actifs et aussi vers les responsables des réglages et configurations des protections (pour décider et gérer les évolutions), pour échanger les expériences entre utilisateurs et entre utilisateurs et fournisseurs, pour les réparations, la gestion et la réalisation des modifications, la formation, les essais, etc.
Bien qu'il y ait eu, depuis le démarrage des travaux du GT, un nombre important développements dans la série des normes CEI 68150, touchant l'interopérabilité, les essais, l'analyse des manques, les produits et outils DSAS et les méthodes de travail, il subsiste un besoin de poursuivre un effort commun à l'ensemble de l'industrie des PAC pour aller plus loin dans le développement de la norme et des produits et outils DSAS, afin qu'au moins la plus grande partie des attentes des utilisateurs soit satisfaite, à temps.
Les utilisateurs continuent à penser que la CEI 61850 sera LA norme des DSAS pour un large domaine d'applications.
- [1] IEC 61850 IOP 2013 Report, presented at CIGRE, Paris Session 2014, booth #370, Herb Falk