Brochure technique
BT 851 GT C2/C4.41

Impact de la forte pénétration des productions raccordées au réseau par convertisseur sur l'inertie du système électrique

Partout dans le monde le mouvement de réduction des émissions de carbone a conduit à une accélération du développement et du déploiement des sources d'énergie renouvelables (RES). Les RES installées ces derniers temps sont pour la plupart des productions éoliennes et solaires (il faut rappeler que la production hydraulique d'électricité a longtemps joué un rôle majeur dans certains systèmes électriques). Ces nouvelles productions sont par nature non synchrones et sont raccordées au réseau par l'intermédiaire de dispositifs à électronique de puissance, et sont souvent qualifiées de productions IBR (inverter-based ressources). Une part croissante des productions IBR, injectées tant dans les réseaux de transport que de distribution, remplace la production synchrone thermique conventionnelle à base de charbon, avec de larges impacts sur l'exploitation, la planification et l'économie des systèmes électriques, d'aujourd'hui et de demain. Un défi, important parmi les autres, associé à la pénétration accrue des IBR dans les réseaux, est la réduction de l'inertie synchrone, parce que cette inertie est presque entièrement fournie par les alternateurs synchrones traditionnels que les IBR sont en train de sortir du marché de l'électricité.

Chef de file (ZA)
M. RAMPOKANYO

Secrétaire (IE)
P. DATTARAY

Secrétaire (ZA)
P. KAMERA

J. BEERTEN (BE), I. ARONOVICH (IL), D. CORCORAN (IE), J. BOS (NL), K. O’KEEFFE (IE), N. MODI (AU), I. RAHIMI (CA), R. QUINT (US), P. TIELENS (BE), D. CHAKRAVORTY (GB), M. BARBIERI (IT), J. MATEVOSYAN (US), E.A. JANSSON (SE), N. GUMEDE (ZA), F.M. CAVALCANTI FERREIRA (BR), A. ATALLAH (DE), B. BERRY (GB), C. MISHRA (US), J. ERNST (GB)

Introduction

L'inertie synchrone permet au système électrique de résister aux variations de la fréquence du réseau en cas de déséquilibre entre fourniture et consommation et aide à maintenir une faible vitesse de variation de la fréquence (RoCoF), qui laisse suffisamment de temps aux les réserves de maintien de la fréquence (FCR) d'agir pour  stopper la baisse de fréquence (nadir) avant que le seuil de déclenchement du délestage sur baisse de fréquence soit atteint. Toutes les machines tournantes synchrones raccordées au réseau électrique contribuent à cette résistance à la variation (inertie) grâce à l'énergie cinétique emmagasinée dans leurs masses tournantes. A l'opposé les IBR ne fournissent, par nature, ni une réponse équivalente, ni une fourniture d'énergie emmagasinée immédiatement après un incident. Comme les variations de la fréquence deviennent plus rapides dans les systèmes électriques de faible inertie, l'exploitation du système électrique, et en particulier le contrôle de la fréquence, devient plus difficile. Les méthodologies actuelles de maîtrise et de réglage de la fréquence ont été conçues avec l'hypothèse implicite de l'existence d'un certain niveau d'inertie, qui laisserait aux actions de contrôle suffisamment de temps pour respecter les exigences de qualité de la fréquence, tant en régime normal, qu'en situation d'incident.

En l'absence d'une forte pénétration d'IBR, l'inertie inhérente aux générateurs synchrones faisait que le dispatching des productions, tel que défini par le marché d'énergie, garantissait que presque tous les systèmes possédaient une inertie largement supérieure à leur besoin minimal sans avoir à prendre de dispositions supplémentaires. Par contre, si à l'avenir l'inertie va être réduite du fait des changements dans l'ordre de mérite des ressources pour le dispatching économique, les opérateurs de systèmes vont devoir alors faire un état de situation concernant:

  1. Les menaces pour leur système induites par la réduction de l'inertie
  2. Le niveau d'inertie à partir duquel les menaces se manifestent, et la probabilité que l'inertie de leur système se réduise à ce niveau dans le futur
  3. Les mesures palliatives possibles à apporter face à ces menaces, soit sous forme de nouveaux services et pratiques, ou de schémas de protection à grande échelle de l'intégrité du système
  4. Le niveau minimal de l'inertie garantie obtenue avec la mise en place de ces mesures palliatives, en notant qu'une certaine évaluation économique sera nécessaire pour déterminer ce niveau minimal et les mesures palliatives à mettre en œuvre.

Alors que l'émergence des productions renouvelables est la motivation principale des travaux qui sont rapportés dans la Brochure Technique (BT), les travaux portent essentiellement sur l'impact des IBR, et non sur la production renouvelable ou la production décarbonée. Par exemple on ne parle pas de production hydraulique dans la BT, alors que les productions éoliennes (types III et IV) et photovoltaïques (PV), les systèmes de stockage par batteries (BESS) et les systèmes CCHT sont étudiés de façon plus détaillée. Ceci ne remet pas en cause le rôle joué par la production hydraulique dans le fonctionnement sûr de nombreux systèmes électriques, mais cela vient du fait que la production hydraulique est essentiellement synchrone par nature et que les opérateurs de système ont déjà une expérience bien établie de l'exploitation de la production hydraulique. En outre, et de la même façon, la production nucléaire qui est dans de nombreux systèmes électriques une technologie bas carbone, n'est pas un sujet abordé dans la BT, parce qu'elle est synchrone par nature.

Dans la BT on s'intéresse essentiellement à la définition et à l'étude de l'impact des IBR sur l'inertie des systèmes électriques, et à la façon dont les compagnies d'électricité ont cherché à répondre à cet impact, par des études, des services et des codes de réseau. L'objectif de ce GTC était de proposer et de formaliser des philosophies d'exploitation des systèmes électriques qui permettent d'assurer la transition énergétique en cours, d'identifier les difficultés importantes associées à l'impact de la  forte pénétration des IBR sur l'inertie des systèmes, de définir des mesures opérationnelles pour gérer ces difficultés à court terme, et de proposer des listes détaillées de solutions techniques plausibles qui aideraient à faire face à certaines des difficultés, par des spécifications des codes de réseau, des normes ou des produits du marché. 

La BT est composée de dix chapitres. Les premiers chapitres présentent respectivement la BT (Chapitre1), définissent les termes clés, donnent les concepts de base de l'inertie des systèmes électriques et de son lien avec le contrôle de la fréquence (Chapitre2), et proposent une vue d'ensemble des pratiques actuelles de réglage de la fréquence (Chapitre 3). Ces bases étant posées on poursuit par une description rapide des difficultés causées par la réduction de l'inertie (Chapitre 4) et des possibilités de correction de ces difficultés qu'offrent les technologies (Chapitre 5), avec une attention particulière portée aux convertisseurs auto-synchronisés (Chapitre 6). Viennent ensuite un examen des dernières études des compagnies d'électricité (utilités) sur les spécifications de maintien de la fréquence (Chapitre 7), le concept de service de fourniture de l'inertie (Chapitre 8) et un résumé d'autres politiques existantes associées à la tenue de la fréquence (Chapitre 9). Le présent résumé exécutif met en lumière certains des points clés de chaque chapitre. 

Inertie et contrôle de la fréquence

Dans les pratiques actuelles d'exploitation l'inertie est un élément clé du maintien de la stabilité du système électrique. Elle permet au réseau de résister aux variations de la fréquence après un soudain déséquilibre entre production et consommation provoqué par la mise hors réseau d'un générateur ou d'une charge. L'inertie synchrone est définie comme l'énergie cinétique emmagasinée dans les masses tournantes des machines synchrones connectées à un système électrique. Mais une inertie appropriée ou élevée ne peut par elle-même que réduire la vitesse de variation de la fréquence. Un système adéquat de réglage de la fréquence est également important pour la sécurité de l'ensemble du réseau.

La Figure 1 montre dans les grandes lignes comment l'inertie peut être vue comme un service de limitation instantanée de la RoCoF, qui agit pour donner au contrôle primaire de fréquence le temps d'arrêter la chute de la fréquence. C'est le caractère instantané de sa réponse qui distingue l'inertie et les services de réponses rapides de maintien de la fréquence (FFR). L'inertie agit pour limiter la valeur maximale de RoCoF que verrait le système après un déséquilibre entre production et consommation, alors que le service FFR agit pour limiter la RoCoF moyenne sur une période de temps donnée (par ex. 500 ms). Comprendre quelles sont la RoCoF maximale tolérable et la RoCoF moyenne, est un élément clé pour déterminer la vitesse de réponse du FFR qui lui permettra d'être considéré comme complémentaire de l'inertie. Le point de vue du GTC est que si la réponse du contrôle d'un IRB agit sur la valeur maximale de la RoCoF elle peut être considérée comme une inertie "virtuelle" plutôt que comme un FFR, et il est essentiel que les vraies capacités de tenue des équipements de réseau exposés à la RoCoF maximale, comme à la RoCoF moyenne, soient prises en compte sérieusement lors de cette évaluation.

Figure 1 – Les actions en séquence et les impacts de l'inertie et du contrôle de fréquence

Etant donné les inquiétudes émergentes liées à la réduction des niveaux d'inertie, et de la volonté de certaines utilités, dans leurs pratiques d'exploitation, de définir une inertie minimale ou même directement une valorisation de l'inertie, il était inévitable que l'estimation de l'inertie du réseau appelle un nouvel intérêt. Il existe de nombreuses méthodes d'estimation de l'inertie d'un réseau, telles que celle basée sur le statut de toutes les machines synchrones en ligne (basé sur la télémétrie de l'état), celles reposant sur les mesures et utilisant des événements historiques ou une estimation en continu mettant en œuvre des stimuli intentionnels, ou des mesures très rapides, et/ou l'apprentissage automatique. Dans la Figure 2 on présente les caractéristiques clés de ces méthodes.

Aujourd'hui la méthode la plus populaire d'estimation de l'inertie d'un système électrique est la méthode utilisant le statut des machines synchrones connectées. Elle est relativement simple et robuste, mais n'estime que l'inertie du côté fournisseur (c. à d. qu'on ne prend pas en compte les contributions de la production du côté consommation, des productions non télé-mesurées, et de la charge), contributions qui pour beaucoup de réseaux deviennentt un facteur important du fait des réductions d'inertie et des coûts croissants de maintien de la fréquence

Figure 2 – Présentation résumée des méthodologies d'estimation de l'inertie. (Comme c'est un domaine de recherche en évolution constante, il faut avoir à l'esprit que les fonctionnalités vont évoluer dans le temps)

^Requiert les statuts et l'inertie des unités
* Demande des dispositifs de mesure d'un type spécifique et à des emplacements spécifiques
^ La méthode peut être utilisée aussi pour prédire l'inertie pour les heures à venir et pas seulement pour estimer l'inertie du moment

Réserves de maintien de la fréquence, spécifications de réponse rapide à la fréquence et niveaux minimaux d'inertie

Dans la BT on expose dans les grandes lignes les résultats d'une enquête sur les pratiques en matière de gestion globale de la fréquence, menée pendant les années2018 et 2019. Cette enquête a mis en lumière des points intéressants sur les pratiques des utilités, l'un deux étant que même si le problème lié à la diminution de l'inertie est commun à beaucoup de systèmes électriques, les difficultés particulières rencontrées dans chaque système sont aussi différentes que les systèmes le sont. Par exemple, on constate que la RoCoF maximale permise varie entre les utilités qui ont répondu (0,125, 0,5, 1 et 3 Hz/s), et le délestage des consommations peut dans son premier stade démarrer pour des écarts de fréquence allant de moins de 1% à 3% de la fréquence nominale. Ces valeurs sont fortement liées à la taille du système, et au ratio entre la taille du système et la perte maximale de production consécutive à un incident de production, qui s'est révélé très variable.

Un autre constat important est que l'estimation des réserves FFR/FCR nécessaires varie beaucoup entre utilités de grande taille, avec des explications qui pourraient être :

  • L'estimation est-elle déterministe ou statistique ?
  • Si l'estimation est basée sur un seul incident, est-il l'incident crédible le plus important au moment de l'étude, ou un incident de référence ?
  • L'estimation prend-elle en compte un certain amortissement (statisme) par la charge ?
  • Les réserves FFR/FCR sont-elles fournies par le marché FFR/FCR, ou sont-elles une exigence imposée ?

Enfin, alors que l'on continue dans les publications à débattre de rôle des IBR dans la fourniture des services FFR/FCR, les résultats de l'enquête indiquent que plus de 40% des participants à l'enquête dépendent déjà des IBR (éolien, DESS ou CCHT) pour une certaine forme de FFR/FCR. Ceci pourrait indiquer qu'une certaine forme de participation des IBR au maintien de la fréquence est en train de devenir une règle commune.

Difficultés associées à l'accroissement du niveau de RES non synchrones

L'exploitation d'un système électrique comportant de grands volumes d'IBR doit faire face à des difficultés particulières en matière maintien de la sécurité et de la fiabilité du système. Ceci est beaucoup étudié, en termes généraux, dans les publications; dans la BT on a cherché à identifier et à analyser des problèmes plus spécifiques, associés au contrôle de la fréquence. 

Quand on traite des problèmes induits par la réduction de l'inertie, il peut être utile de faire la distinction entre les problèmes directement liés à la perte d'inertie, et ceux qui viennent de la réduction plus générale des productions synchrones, comme par ex. la diminution des courants de défaut et la réduction de la puissance réactive disponible. Cette distinction est souhaitable parce que des mesures palliatives différentes et d'origine différente sont disponibles pour chaque problème, et qu'il est probablement plus efficace, quand on recherche des solutions, de regrouper consciencieusement les problèmes qui peuvent être réduits de la même manière, plutôt que de simplement chercher à remplacer à l'identique la production synchrone perdue.

Les difficultés importantes mises en lumière dans la BT sont :

  • L'impact des RoCoF plus élevées sur le fonctionnement correct des protections de perte d'alimentation (LoM), à propos duquel il faut noter la vitesse moyenne sur 500 ms semble devoir devenir une pratique normalisée pour les limites de RoCoF existantes fixées entre 0,5 et 1 Hz/s ;
  • Des RoCoF plus élevées qui provoquent des écarts de fréquence plus importants avant que les réserves de maintien de la fréquence puissent répondre ;
  • Les chutes de fréquence induites par les chutes de  tensions ;
  • Les délestages de charge sur baisse de fréquence (UFLS), et de production sur fréquence haute (OFGS), opèrent trop lentement : pour des RoCoF plus élevées, la fréquence peut baisser trop vite pour que les délestages opèrent ou certains relais peuvent se verrouiller en cas de RoCoF élevée, considérant qu'il y erreur de mesure ou d'instrumentation ;
  • Les UFLS/OFGS sur-agissent et des pertes de production de petit volume peuvent provoquer leur fonctionnement: le premier niveau de délestage peut devoir être réadapté ;
  • Un besoin plus urgent de fonctions de blocage sur oscillation dans les relais ;
  • Avec les installations de renouvelables offshore de grande capacité qui sont envisagées et le concept de hub offshore, et les interconnexions CCHT de grande puissance des systèmes insulaires, la dimension de la perte crédible la plus élevée d'injection peut pour certains systèmes être à l'avenir souvent plus élevée qu'elle l'est aujourd'hui.

Un bon exemple de la complexité de la gestion de ces problèmes quelquefois interdépendants est présenté sur la Figure 3. Ce processus AEMO d'estimation de l'inertie minimale doit déterminer l'inertie nécessaire pour faire face à la perte la plus importante d'injection et de charge, tout en intégrant la capacité de réduction de besoin d'inertie qu'apporte le FFR. Il doit aussi prendre en compte la relation entre la réserve de maintien de fréquence et l'inertie (c. à d. que la plupart des sources d'inertie contribuent à la réserve de maintien de fréquence), et la présence de schémas de protection particuliers. 

Figure 3 - Relation entre le besoin d'inertie et la FFR pour le maintien d'une fréquence acceptable en cas d'incident maximale de perte de production ("Fast FCAS" est le service de régulation rapide de la fréquence, un type de FFR en Australie)

Possibilités de fourniture d'inertie et de soutien de fréquence offertes par les technologies existantes et émergentes

Dans le but d'apporter des réponses aux difficultés on a analysé dans la BT les possibilités offertes par les technologies existantes, ou émergentes. Les deux possibilités qui sont intéressantes pour répondre aux problèmes d'inertie sont :

  1. Fourniture d'une inertie additionnelle
    On recherche une fourniture d'inertie en supplément de celle qui est un sous-produit du dispatching  de production résultant du marché d'énergie et des marchés existants de réserve de soutien de fréquence.
  2. Fourniture d'une réponse en fréquence rapide
    De nouvelles réponses de contrôle qui sont définies comme rapides, parce qu'elles sont plus rapides que les réponses des réserves existantes.

On peut se procurer un service d'inertie additionnelle au moyen de compensateurs synchrones ou en faisant fonctionner des unités synchrones à une charge minimale stable. En outre on peut l'obtenir du côté de la charge, après avoir identifié et quantifié l'inertie disponible (par ex. les moteurs et la production autonome), qui a toujours existé mais qui n'a jamais été quantifiée, quand l'inertie du réseau était plus élevée, et dont l'évaluation précise ne présentait pas d'intérêt.

 La FFR peut être fournie par une grande variété de sources et on a rapporté que la plupart des technologies de production (par ex. éolien, solaire, interconnexion CCHT, BESS et production synchrone) étaient capables de contribuer à la FFR sous une certaine forme, là où les conditions le permettent (par ex. réduction de la production solaire). En pratique les utilités paraissent aujourd'hui dépendre surtout des BESS et des charges pour leur FFR. Des plus les spécifications de la réponse demandée aux services FFR par les utilités apparaissent comme variant notablement d'un système à un autre, en fonction des caractéristiques de leurs besoins particuliers, par ex. temps de réponse, durée du soutien et autorisation de récupération. Enfin, pour les très grands incidents il apparaît comme relativement habituel de mettre en place une certaine forme de schéma de protection de l'intégrité du réseau, plutôt que de demander la fourniture de services systèmes

On analyse dans la BT les caractéristiques de différentes technologies, existantes ou à venir, capables de fournir une inertie, des services FFR et FCR, et on met en avant les différentes caractéristiques des réponses de ces technologies. Il faut noter que le FCR est un concept général alors que la FFR correspond à la définition, particulière à une utilité, d'un ensemble de capacités qui constitue un service, et que la seule similitude générale entre services FFR est qu'ils ont une réponse plus rapide que les services FCR existants. Ainsi un FFR d'un système électrique peut ne pas être vu comme un FFR dans un autre. Ceci est inévitable puisque qu'un FFR répond à un besoin particulier à un système, et que les besoins de chacun  des systèmes sont différents.

Le GTC a constaté que les utilités n'envisagent ni inertie synthétique, ni émulation d'inertie, ni autres formes de FFR pour fournir directement une part de leurs besoins d'inertie. Les études ont montré que la disponibilité de FFR peut réduire ces besoins d'inertie quand la contrainte limite porte sur l'écart maximal de fréquence, en plus et en moins. Cependant les services FFR existants ne sont pas supposés limiter la RoCoF mesurée sur 500 ms, et en conséquence ils n'apportent aucun gain quand la contrainte en inertie porte sur la RoCoF. Ceci peut changer avec l'arrivée de formes de FFR encore plus rapides (presque instantanées, répondant en 10 à 50 ms), par ex. provenant de convertisseurs autonomes, mais il faut souligner qu'une telle réduction de la RoCoF sur 500 ms peut encore nécessiter que l'on tienne compte de la tenue des équipements. En outre accepter des RoCoF plus élevées peut conduire à devoir mesurer la RoCoF sur un temps plus court, et il faut alors penser aux difficultés que représentent les changements de réglage des RoCoF de tous les dispositifs concernés (par ex. les protections LoM) quand la RoCoF limite est modifiée.

Dans certains réseaux comme ceux de l'Irlande et de l'Irlande du Nord, d'ERCOT, de l'Australie du Sud, on impose une valeur minimale limite de l'inertie. Ceci veut dire que pour répondre à la contrainte sur l'inertie des générateurs synchrones peuvent devoir connectés, en plus de ceux qui sont nécessaires pour fournir l'énergie et les services. Comme ces générateurs sont appelés pour fournir de l'inertie et non de l'énergie, la production en excès de ces groupes synchrones fonctionnant à leur minimum de production conduit à réduire ou à arrêter la production de sources moins chères (habituellement de l'éolien ou du solaire). En outre on doit compenser les surcoûts de l'appel à ces unités dispatchées pour l'inertie, à minimum le coût de démarrage et le surcoût de production au minimum technique. Ce sont là les coûts du maintien en ligne des unités synchrones supplémentaires pour les besoins d'inertie.

Fonctionnement et stratégies de commande des ressources connectées par convertisseur

Les convertisseurs autonomes sont un élément des scénarios de large diffusion des DER dont on débat beaucoup. Dit de matière simplifiée un convertisseur autonome est un convertisseur qui définit sa tension de référence (amplitude et fréquence) et l'impose au réseau, au lieu de dépendre du réseau pour lui fournir une tension et un angle de référence. Ceci est une sorte d'auto-synchronisation et elle permet au convertisseur autonome de fournir à la fois une FFR et une inertie virtuelle (c. à d. une injection pratiquement instantanée de puissance active en réponse à un déséquilibre production-consommation du système).

Du point de vue du GTC le terme d'inertie virtuelle devrait être réservé à cette forme de réponse auto-synchronisée et ne pas s'appliquer aux formes de FFR auxquelles on a dans le passé attribué cette qualité. Ceci est dû au fait que la commande d'auto-synchronisation de cette nature peut permettre de pallier les problèmes de RoCoF indépendamment de la fenêtre d'observation considérée dans le calcul de la RoCoF, ce qui n'est pas le cas pour les techniques FFR existantes qui réagissent avec un temps de réponse inévitable dû à la mesure de la fréquence et à la  réponse. Ces réponses des FFR peuvent impacter la RoCoF moyenne seulement si elles interviennent dans l'intervalle de mesure et elles ne pourront pas limiter la valeur maximale de la RoCoF. Celle-ci peut à l'avenir devenir une préoccupation sérieuse, comme certaines études analysées dans la BT le mettent en évidence (une augmentation notable de la valeur maximale de la RoCoF observée dans les systèmes électriques de faible inertie).

Il est important de souligner qu'une certaine forme de stockage d'énergie ou de réserve tampon est nécessaire pour pouvoir fournir l'injection de courant des fonctions de support des fonctions des convertisseurs autonomes, et ceci implique des coûts supplémentaires. En plus les fonctions de support peuvent devoir être suspendues pendant les situations de défaut du fait de la limite de surcharge de courant du convertisseur. Diverses architectures de contrôle ont été proposées pour réaliser la fonction, et sont été discutées dans la BT, regroupées en systèmes de commande à statisme ou machines synchrones virtuelles (VSM).

Quantifier les besoins de réserve de maintien de fréquence en situation de pénétration accrue des IBR

De nombreuses utilités mènent des études approfondies de leur futur système à forte proportion de renouvelables, pour évaluer l'évolution de son inertie et les besoins de réserve de maintien de la fréquence. Les résultats et les méthodologies appliquées sont résumés dans la BT, pour plusieurs études publiées par les utilités. 

Pour toutes les études résumées on commence par définir les caractéristiques du futur système étudié et pour cela deux pratiques générales sont suivies 1) la planification de scénarios et 2) l'adaptation de cas d'exploitation existants. La planification de scénarios demande de définir un ou plusieurs scénarios futurs, qui décrivent chacun une version différente du futur, puis à utiliser des modèles de coût de production pour simuler une année de dispatching qui donnera des situations à étudier. La Figure 4 donne un exemple des résultats d'un processus de planification de scénarios. Dans la BT il n'est pas question d'analyser le scénario, mais on peut souligner que certaines utilités consacrent des efforts significatifs au développement de scénarios à long terme, avec une implication importante de parties prenantes. A l'opposé certaines utilités adaptent des cas d'exploitation existants pour les besoins de leurs études, les adaptations portant sur des changements attendus de leur système, pour être sûres que les études couvrent les cas les pires. En général l'étude de cas d'exploitation adaptés est une tâche moins complexe, mais peut se limiter à prendre en compte des changements à moyen terme plutôt que des changements radicaux qui peuvent se produire à long terme.

Les modèles développés pour ces études diffèrent également énormément en termes de degrés de complexité. Certains modèles représentent la globalité du système et incluent des modélisations détaillées des générateurs synchrones, des modélisations agrégées de la production renouvelable et des modélisations composites des charges. Par contre d'autres études utilisent des modèles à fréquence unique basés sur les équations d'oscillation, le système étant réduit à un seul bus et n'inclut que les modélisations des régulation de vitesse et des éléments de contrôle de la fréquence des machines, et un modèle simple de charge sensible à la fréquence. Alors qu'on insiste dans la BT sur la modélisation de la demande et l'évolution de sa nature, il faut noter que les utilités continuent en majorité d'essayer de capturer les contributions de la charge à l'inertie de façon précise, en s'appuyant sur des modèles composites de charges, avec par exemple des représentations agrégées dynamiques des moteurs. Cependant ce n'est pas une pratique universelle des utilités de par le monde, et les pratiques sont en constante évolution, en particulier du fait d'un manque de suivi au niveau distribution, qui fait que la catégorisation des charges et leur estimation composite sont très difficiles.

Quand on procède à ces études de la fréquence, un élément essentiel de toute étude du cas est la perte d'une injection ou d'une fourniture pour laquelle le système doit rester en sécurité. Deux pratiques ont été observées: 1) on étudie le cas d'un incident de référence, et 2) on étudie le cas concret de la perte de l'injection la plus forte du programme d'exploitation de l'heure étudiée. L'incident de référence est couramment la perte de la production totale maximale produite, ou transmise par une interconnexion, connectée à un poste, alors que l'injection la plus forte est la perte d'un générateur appelé ou d'une interconnexion CCHT. Dans l'analyse il apparaît que les études basées sur l'incident de référence sont plus faciles à réaliser, mais qu'elles conduisent aux résultats les plus conservateurs –mais il est important de reconnaitre que beaucoup des utilités qui procèdent à des études de l'incident de référence le font à la demande des autorités de régulation. Dans la majorité des études analysées on prend en compte tant les incidents de perte d'injection et que de perte de charge, et des schémas spéciaux de protection sont couramment mis en œuvre pour faire face à des incidents spécifiques.

Les principaux enseignements des études analysées dans la BT peuvent être résumés comme suit :

  • La présence et le comportement des FFR sont déterminants et peuvent permettre de réduire les besoins d'inertie, quand la contrainte est l'écart de fréquence maximal, en plus ou en moins ;
  • Les RoCoF élevées ont été des préoccupations dans plusieurs études, du fait de risques de fonctionnement inapproprié de protections LoM et de dépassement de la tenue des équipements ; les utilités concernées ne s'intéressent à l'inertie que pour l'évaluation de la RoCoF, mais pas pour celle de la FFR ;
  • Une RoCoF limite, ou une inertie minimale, sont essentiels pour garantir que la vitesse de réponse des réserves existantes restera adéquate ;
  • Dans certaines études ont montré l'apparition de problèmes régionaux de fréquence et de RoCoF, lors de la perte d'une forte injection dans des poches de faible inertie au sein de grands réseaux interconnectés ;
  • Des minimums d'inertie régionale pourraient être envisagés quand on peut craindre des séparations de réseaux ;
  • Les études deviennent plus compliquées quand on doit prendre en compte un plus grand nombre de fournisseurs de services, dont les réponses ne sont pas équivalentes.

Plusieurs de ces études ont trouvé que le futur système électrique restait sûr avec les définitions des services système existants. Ceci traduit le fait que les utilités concernées ont déjà développé des réponses à leurs problèmes d'inertie, et de réglage de fréquence, parmi lesquelles :

  • Des valeurs minimales d'inertie ou de limite de RoCoF, en soulignant qu'une inertie minimale est équivalente à une limite de RoCoF, quand l'étude porte sur l'incident de référence au lieu de la perte de la plus forte injection programmée ;
  • De nouveaux services FFR ;
  • Des schémas de protection spéciaux pour faire face à des incidents spécifiques.

L'inertie comme service système

On a examiné la possibilité de gérer l'inertie comme un service système. Bien qu'un certain nombre de systèmes électriques aient à faire face à une réduction d'inertie synchrone du fait de la pénétration de ressources connectées par des convertisseurs, seuls quelques-uns de ces systèmes se procurent leurs besoins d'inertie comme un produit, par des mécanismes divers. Ceci montre que pour la plupart des systèmes électriques, sauf pour les réseaux insulaires moins puissants ou en cas de de problèmes spécifiques de RoCoF pour les protections LoM, le marché continue implicitement à assurer une inertie suffisante à l'échelle du système. Néanmoins certaines pratiques existantes, et certains résultats des études du futur, indiquent qu'à l'avenir il faudra porter attention aux besoins en inertie de certaines régions spécifiques d'un système, et pas seulement à ceux du système dans son ensemble.

Quant à l'étape de la fourniture du service, il est important d'avoir en tête le compromis entre l'inertie et le fonctionnement stable au minimum des générateurs synchrones qui la produisent, alors que ce compromis n'est pas implicitement pris en compte dans les marchés d'énergie et de services système, et s'assurer que la ressource de service d'inertie respecte les autres exigences applicables du code de réseau.

Le manque d'inertie fournie comme service système dans un réseau à forte pénétration de ressources connectées par convertisseur peut signifier que ces réseaux doivent imposer certaines exigences d'inertie en situation opérationnelle. Ceci peut conduire à résultats sous-optimaux à la fois pour le niveau d'inertie et pour le marché d'énergie, parce qu'en l'absence de marché du produit inertie, les opérateurs de système manquent d'outils pour arbitrer entre coûts de démarrage, niveau minimal de production et contribution d'inertie des ressources.

Politiques actuelles des systèmes en matière de besoins de réserve de réglage de fréquence face à la pénétration accrue des RES

Les informations proviennent d'une enquête, lancée auprès de grandes utilités de par le monde, pour connaitre les politiques de code de réseau sur les points regardant le réglage primaire de fréquence, l'inertie minimale du système, et les autres mesures de réglage de la fréquence. La Figure 6 présente un résumé des résultats, et montre que la plupart des utilités consultées ont déjà défini une certaine forme d'inertie minimale, avec une méthodologie de calcul, et de service FFR. Mais il faut aussi noter que si ces développements sont communs à toutes les utilités, il n'y a que peu de similitude entre les méthodes spécifiques et les FFR qu'elles ont mis en place. Cela renforce l'impression courante que les utilités partagent certes un même problème d'une même origine, mais que les difficultés spécifiques rencontrées et les solutions apportées dépendent fortement des besoins particuliers et de la nature du système concerné.  

Figure 6 – Résumé des résultats clés de l'enquête

Conclusions

Dans la BT on analyse les problèmes posés par la réduction de l'inertie des systèmes électriques, et les solutions mises en œuvre ou proposées par l'industrie. La pénétration de plus en plus forte des productions renouvelables, dont la plupart sont connectées par un convertisseur est un élément essentiel de la transition énergétique, qui apporte avec elle une ensemble de nouveaux problèmes, telle que la réduction de l'inertie, mais aussi de nouvelles opportunités. Il a été montré qu'il est important de faire une distinction entre les problèmes qui sont directement liés à la perte d'inertie et les problèmes qui apparaissent du fait de la diminution plus générale des productions synchrones. Quand on met en œuvre des solutions pour répondre à de nouveaux problèmes posés par la transition énergétique, et étant donné que différentes mesures palliatives peuvent se présenter pour chaque problème, on peut recommander comme pratique probablement la plus efficace de regrouper les problèmes qui peuvent être traités de la même façon, plutôt que de chercher simplement à remplacer la perte de la production synchrone par des solutions de la même nature, par ex. développer des produits de stabilité qui ajoutent de l'inertie et renforcent la solidité du système.

Beaucoup d'utilités procèdent à des études approfondies de leur exploitation future,  à forte pénétration de renouvelable, pour évaluer leurs futurs besoins d'inertie et de réserve de réglage de fréquence, et il a été constaté, dans beaucoup de ces études, que le système restait sûr dans le futur. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes, mais plutôt que les utilités ont déjà développé des remèdes adaptés, qui consistent en premier lieu à respecter une valeur plancher d'inertie et une limite de RoCoF appropriées, et à assurer un service FFR. En plus dans ces études des schémas de protection particuliers sont envisagés pour gérer des situations spéciales d'incident. Les enseignements majeurs de ces études sont que des réserves à réponse rapide peuvent réduire les besoins d'inertie minimale et commencent à être prééminents dans la réponse de fréquence pour les systèmes à faible inertie, mais peuvent aussi induire des impacts négatifs par ex. des dépassements et des oscillations. Un autre élément de ces études est l'apparition de possibles préoccupations concernant les RoCoF régionales dans des systèmes interconnectés – quand des perturbations dans une région à très forte pénétration d'IBR peuvent enregistrer des RoCoF beaucoup plus élevées que dans le reste du système. Cette forme d'inertie régionalisée peut demander des études supplémentaires à l'avenir, surtout en cas où il existe un risque de séparation dans le système. 

Bien que pour de nombreux systèmes électriques ces études aient identifié des besoins de planchers d'inertie, ceux-ci ne sont une contrainte pour l'exploitation courante pour aucun d'eux, à l'exception des plus petits systèmes séparés ou des systèmes qui ont des contraintes de RoCoF particulières liées à leur protection de perte d'alimentation (LoM). Par conséquent, à ce jour, un très petit nombre de systèmes donnent une valeur directe à l'inertie, dans la mesure où l'inertie fournie naturellement par les marchés d'énergie et de réserve de réglage de fréquence est suffisante. Néanmoins avec l'émergence de problèmes d'inertie préoccupants et la potentielle future monétisation de l'inertie, on s'intéresse plus à l'estimation et à la prévision de l'inertie des systèmes électriques. 

On précise dans la BT que de très nombreuses technologies sont déjà capables de fournir les capacités nécessaires de FFR et d'inertie, et divers mécanismes de réglementation et de marché sont en cours de mise en place pour mettre à disposition ces capacités. En outre les convertisseurs autonomes peuvent constituer une opportunité de fourniture d'une inertie virtuelle par des IBR, mais leur mode de contrôle reste encore du domaine des activités de recherche et développement.

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