Brochure technique
BT 794 56 D1.56

Techniques de répartition des champs dans les systèmes d'isolation électrique

L'objectif de la présente Brochure Technique est de présenter les concepts théoriques, ainsi que diverses mises en œuvre pratiques de la répartition des champs, qui est une méthode fondamentale, et essentielle, de contrôle des champs dans beaucoup d'appareillages des réseaux de transport et de distribution d'électricité. Parmi ceux-ci on peut citer les câbles et leurs accessoires, les systèmes embrochables (connecteurs), les traversées, les machines électriques tournantes, les transformateurs ou les équipements à isolation gazeuse. Elle apporte en outre des recommandations sur leur modélisation, leur caractérisation et leur normalisation, en particulier pour les matériaux, et les systèmes, répartiteurs non linéaires de champs. Elle constituera par conséquent, pour les concepteurs et les utilisateurs des applications des répartiteurs de champs, un guide technique, ceci aussi longtemps que la normalisation internationale ne sera pas disponible. Elle peut aussi constituer une contribution à l'élaboration de cette future normalisation.

Membres

Convenor (DE)
V. HINRICHSEN

D. BACHELLERIE (FR), J. DAS (US), L. DONZEL (CH), M. HADDAD (UK),

M. HAGEMEISTER (CH), N. HAYAKAWA (JP), S. JOSEFSSON (NO), I.

JOVANOVIC (US), L. KEHL (DE), M. KOCH (DE), M. KOZAKO (JP), J. LAMBRECHT (DE), F. PERROT (UK), C. STAUBACH (DE), J. WEIDNER (DE), N. ZEBOUCHI (FR), M. H. ZINK (DE)

 

Jeunes Membres : R. HUSSAIN (DE), M. SECKLEHNER (AT)

 

Membre Correspondant : D. TABAKOVIC (US)

Introduction

La répartition du champ électrique – que l'on appelle quelquefois répartition des contraintes – désigne la technique qui permet de contrôler de façon efficace et fiable la distribution du champ électrique au sein ou autour d'un dispositif.

Pour les équipements HT ou THT la technique de répartition du champ électrique a évolué avec les années, depuis l'utilisation diélectriques homogènes de géométries simples, présentant des propriétés linéaires, jusqu'à l'emploi de systèmes complexes qui mettent en œuvre des composites conçus spécialement. Ces composites sont constitués d'une matrice d'un matériau spécifique et d'une matière de charge, présentant une permittivité (applications CA) ou une conductivité (applications CC) non linéaires, et également de matériaux à propriétés réparties, dans lesquels les particules de charge sont distribuées spatialement d'une manière voulue, pour mieux optimiser l'utilisation des composites. Ces derniers matériaux sont actuellement en phase d'introduction, et des résultats prometteurs ont déjà été obtenus.

La poussée en direction du transport d'électricité CCHT représente un réel défi parce que la contrainte CC impose dans la plupart des cas de tenir compte de l'effet de la température sur l'évaluation technique des systèmes de répartition de champ. Ceci vient du fait que la conductivité électrique est le paramètre prépondérant dans les applications CC de la répartition des champs, et que celle-ci est fortement affectée par la température, alors que la permittivité ne l'est pas. En outre les phénomènes transitoires sont beaucoup plus difficiles à gérer dans les réseaux CC, parce que les constantes de temps du passage d'une distribution résistive à une distribution capacitive du champ électrique peuvent atteindre des valeurs très élevées, allant jusqu'à plusieurs semaines, ou même mois.

L'objectif de la présente Brochure Technique est de présenter les concepts théoriques, ainsi que différentes mises en œuvre pratiques de la répartition des champs, qui est une méthode fondamentale, et essentielle, de contrôle des champs dans beaucoup d'appareillages des réseaux de transport et de distribution d'électricité. Parmi ceux-ci on peut citer les câbles et leurs accessoires, les systèmes embrochables (connecteurs), les traversées, les machines électriques tournantes, les transformateurs ou les équipements à isolation gazeuse. Elle constituera, par conséquent, un guide technique pour les concepteurs et les utilisateurs des applications de répartition des champs, en attendant que des normes internationales soient établies. Elle constituera un matériau pour l'élaboration de cette normalisation à venir.

La Brochure Technique synthétise les travaux du Groupe de Travail D1.56. Le Chapitre 1 présente le domaine couvert par ces travaux, qui portent en particulier sur:

  • Les bases de la répartition des champs électriques (Chapitre2)
  • Les systèmes matériels utilisés pour les systèmes de répartition des champs (Chapitre 3)
  • La simulation des systèmes de répartition des champs (Chapitre 4)
  • Les applications (Chapitre 5)

Une conclusion et une vision prospective des besoins et des développements futurs font l'objet du chapitre 6.

Structure de la Brochure Technique

Bases de la répartition des champs électriques

Les incertitudes et incompréhensions courantes touchant les termes, géométrique, capacitive, réfractive, résistive, massique, interface et surface, linéaire et non linéaire, appliqués à la répartition des champs, sont présentées et expliquées dans ce chapitre, avec une vue d'ensemble détaillée des différentes approches (Figure1).

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Figure 1 – Vue d'ensemble des concepts de répartition des champs

(lignes rouges pointillées = lignes de champ, (lignes bleues pointillées = lignes équipotentielles

 

Les concepts de répartition complexes qui s'appuient sur les propriétés des matériaux non linéaires, ainsi que sur la technologie toute nouvelle de répartition des champs utilisant des matériaux intrinsèquement répartiteurs, présentant des propriétés électriques (permittivité, conductivité) non homogènes, spatialement distribuées, sont présentés et analysés en détail. Bien que les équipements susceptibles de les appliquer ne soient pas encore d'usage commercial, des solutions pratiques ont fait l'objet de publications sur la manière d'obtenir des matériaux intrinsèquement répartiteurs par centrifugation des poudres de charge de différentes densités et permittivités massiques dans une matrice polymère pendant le processus de cuisson (Figure 2).

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Figure 2 - Exemple de concept de répartition par utilisation de matériaux intrinsèquement répartiteurs [1]

Enfin, ce chapitre souligne les possibilités et les limitations propres à chacun des concepts de répartition, qui seront à prendre en compte pour évaluer les avantages et les inconvénients de ces technologies.

Matériaux pour systèmes répartiteurs de champ

Comprendre complètement les différents systèmes répartiteurs de champs possibles (matériaux des matrices et matières de charge) est fondamental pour décider du choix du système de répartition de champ approprié à chaque application. Connaissant les propriétés spécifiques et les différentes options, on peut choisir les démarches optimales adaptées aux fonctionnalités recherchées. Les matériaux purs qui possèdent les propriétés électriques voulues, par ex. une permittivité très élevée ou une conductivité parfaitement contrôlée, sont directement utilisables comme matériaux répartiteurs de champ. Mais ce sont typiquement des céramiques, dont les propriétés mécaniques sont plutôt défavorables et qui ne peuvent pas être utilisés directement. Les matériaux des répartiteurs de champ sont donc des composés, et il est indispensable de connaitre dans les détails les différentes propriétés électriques, mécaniques et chimiques, des matériaux de matrice et des matières de charge. Les matériaux de matrice sont pour la plupart des polymères (thermoplastiques, polymères durcis, élastomères), qui sont présentés et discutés de façon détaillée dans le chapitre.

Les matières de charge sont employées pour ajuster soit la permittivité, soit la conductivité d'un matériau. Les plus largement utilisés sont les noirs de carbone, surtout sous forme de poudres. La percolation doit être bien comprise, afin d'obtenir les propriétés électriques voulues, qui sont très différentes pour des concentrations de matière de charge, sous le seuil de percolation ou au-dessus.

Il faut aussi prendre en compte le fait que le carbone a tendance à s'agglomérer pendant le processus de fabrication, et à provoquer des inhomogénéités. Les nanotubes de carbone sont une alternative prometteuse pour des développements futurs requérant une bonne conductivité électrique. Ce sont des structures tubulaires microscopiques (nanotubes moléculaires) constitués d'atomes de carbone. Ils sont commercialement disponibles mais n'ont pas encore connu une large palette d'applications. Des développements complémentaires sont nécessaires pour contrôler de manière fiable le processus de fabrication et atteindre un niveau élevé de reproductibilité et, aussi, obtenir les qualités recherchées pour le produit final.

Dans de nombreux cas, et tout spécialement pour les accessoires de câbles et pour les machines électriques tournantes, les systèmes répartiteurs non linaires se sont montrés très efficaces électriquement et particulièrement compacts. La répartition du champ peut être obtenue au moyen de couches très minces de matériaux à propriétés électriques non linéaires. Dans des produits commercialement disponibles, on utilise comme matière de charge pour les matériaux répartiteurs non linéaires de champ, ou des particules de carbure de silicium (SiC) ou des microvaristors d'oxyde de zinc (ZnO). Une nouvelle approche, faisant appel à l'oxyde d'étain dopé à l'antimoine (ATO) est toujours en cours d'investigation (Figure 3).
 

Figure 3 – Photos de scannage au microscope électronique de particules SiC (gauche), ZnO (centre) et ATO [2]

Le SiC est utilisé depuis de très longues années, mais présente certains inconvénients, tels qu'une non linéarité faible seulement (mais qui est recherchée quelquefois), une faible reproductibilité des propriétés électriques, et une dureté mécanique qui provoque une forte usure mécanique des outils de fabrication. L'utilisation de microvaristors ZnO permet de surmonter ces inconvénients, et ils ont été utilisés surtout dans les accessoires de câbles, depuis le début des années 2000. La théorie des matières de charge non linéaires des deux types est couverte. A la suite, le contexte de certaines approches tout à fait nouvelles, comme les polyanilines (le plus souvent sous la forme PANI-EB), les oxydes de graphène et les oxydes d'étain (SnO2) utilisés comme revêtements de particules de mica, est présenté.

Une attention spéciale est portée aux grandeurs de mesure des matériaux et des systèmes de répartition de champ. Le matériau de matrice, les matières de charge et les composites ainsi constitués demandent des approches différentes et indépendantes. Par exemple, la matrice en polymère peut être caractérisée par les propriétés électriques du polymère non traité (rhéologie), ainsi que par les propriétés intrinsèques du polymère traité. Parmi ces propriétés on trouve les propriétés électriques (permittivité, tan d, résistivités volumique et superficielle avec leurs variations en fonction du champ E et de la température, tension de claquage, etc.), les propriétés thermiques (température de transition vitreuse, point de fusion, etc.) et les propriétés mécaniques (tenues de tension, de flexion et de compression, etc.). Les listes détaillées des paramètres intéressants sont fournies, et elles donnent une idée des difficultés de nature multiple qu'on peut rencontrer dans le processus de conception d'un nouveau système de répartition de champ. De très nombreuses propriétés doivent être examinées. L'utilisation des systèmes de répartition non linéaires est relativement nouvelle mais elle retient beaucoup d'attentions, du fait des applications CC qui apparaissent aujourd'hui (accessoires de câbles CC, équipements CC à isolation gazeuse). La caractérisation électrique des matériaux de répartition de champ non linéaires soulève deux problèmes importants: choisir des modèles appropriés et des termes pour décrire les caractéristiques électriques (par ex. comme celles définies dans la Figure 4), d'une part, et mesurer ces caractéristiques d'une manière bien définie et reproductible, d'autre part.

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Figure 4 – Exemple de caractéristiques σ-E- d'un matériau résistant non linéaire de répartition de champ. σ0 est la conductivité de base, E1 est la tenue aux surtensions de manœuvre, m est la pente de non linéarité, et σSat la conductivité à saturation [3]

Une terminologie appropriée est proposée, et des descriptions mathématiques de la non linéarité (conductivité en fonction du champ électrique appliqué) issues de la bibliographie sont présentées. Non moins importantes sont des règles claires pour caractériser la reproductibilité des propriétés des matières de charge et de celles du composite final. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas encore prédire les propriétés électriques d'un composé par la seule caractérisation électrique de la matière de charge. Le composite résultant peut avoir des propriétés électriques étonnamment différentes. La capacité de concevoir de manière systématique des systèmes de répartition de champ non linéaires ayant des « fonctionnalités sur mesure » reste un objectif pour le futur, et appelle d'autres recherches.

Simulations des systèmes de répartition de champ

Différentes méthodes peuvent être mises en œuvre pour concevoir et optimiser des systèmes répartiteurs de champ. Historiquement l'analyse en régime transitoire des réseaux (TNA) a été pratiquée, et est toujours utile dans des cas spéciaux. Mais aujourd'hui les simulations numériques de champ par la méthode des éléments finis (FEM) ou la méthode des différences finies (FDM) sont plus largement utilisées. La difficulté avec le TNA est liée à la construction du modèle de circuit équivalent, représentant de manière suffisamment précise le comportement physique du système (Figure 5). On présente les limitations concernant la modélisation des géométries complexes.

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Figure 5 – Modèle TNA d'une configuration typique de développante de la bobine à haute tension d'une machine électrique tournante [4]

Bien que les simulations TNA soient possibles et souvent appliquées, même pour des phénomènes couplés thermo-électriquement, les progrès rapides des logiciels de simulation des champs électriques, et par conséquent la réduction du besoin de moyens matériels coûteux, permettent à des utilisateurs, et pas aux seuls utilisateurs hautement spécialisés, de réaliser des simulations non linéaires couplées de champ 3D, qui produisent habituellement des résultats réalistes et détaillés sur les distributions du champ électrique et de la température (Figure 6).

Figure 6 - Résultats concernant les distributions du potentiel (gauche) et de la température (droite) pour une barre d'alternateur, équipée d'un concept de répartition non linéaire de champ en sortie d'encoche [5]

En général une validation expérimentale des approches de simulation et des résultats est obligatoire. Il est extrêmement difficile d'accéder à la distribution du champ électrique et du potentiel, sans impacter significativement les conditions de potentiel et de champ. La meilleure manière est de réaliser la mesure par une méthode capacitive, sans contact direct avec la surface. Avec une telle méthode la distorsion est minimisée mais subsiste. Une approche très efficiente consiste à utiliser des capteurs Pockets, qui peuvent donner des résultats de haute précision dans le domaine temps, et donc s'appliquer à des systèmes soumis à des contraintes CC, CA, et à des transitoires, également (Figure 7). Dans ce chapitre on donne un exemple de la manière dont la technique de mesure est mise en œuvre en pratique, pour évaluer le système de protection contre l'effet de couronne d'extrémité utilisée dans les machines électriques tournantes.

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Figure 7 - illustration schématique du système de mesure du potentiel de surface avec un capteur Pockels [6]

Dans des cas particuliers, comme pour des dispositifs de répartition de champ mettant en œuvre des matériaux résistifs, une estimation indirecte de la répartition obtenue peut se faire en réalisant une image thermique, dans la mesure où la surface est accessible de l'extérieur. Une autre possibilité de moyen indirect de validation des résultats de répartition du champ est de mesurer les tensions de seuil des décharges partielles, qui sont de bons indicateurs d'une contrainte très élevée de champ électrique. Sur des dispositifs qui sont accessibles de l'extérieur ceci peut être fait par mesure optique avec une « caméra couronne » sensible aux UV, mais la façon la plus courante, et toujours faisable, est de le faire par des mesures « classiques » des charges apparentes et une estimation des distributions des charges.

Les applications

La Brochure Technique, en complément de la présentation des bases théoriques et des approches en matière de technique de répartition de champ, apporte des informations sur les applications les plus importantes de la répartition des champs électriques, et expose les principaux problèmes qu'elle soulève. Les exemples choisis dans le chapitre sont ceux des accessoires des câbles, des connecteurs embrochables et séparables, des transformateurs, des traversées, des machines électriques tournantes et des isolateurs.

Les accessoires de câbles CAMT et CAHT sont des produits bien connus, qui mettent en œuvre des concepts de répartition géométrique et réfractive des champs. Un matériau résistif et non linéaire de répartition des champs, basé sur des microvaristor ZnO, est utilisé par exemple pour des extrémités autoportantes de type sec de câbles CAHT, et pour des extrémités rétractables à chaud, et à froid, des câbles CAMT, comme montré sur la Figure 8.

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Figure 8 – Extrémité MT rétractable à chaud intégrant une couche de répartition réfractive non linéaire de champ constituée d'un composé fondu à chaud dans lequel sont injectés des microvaristors ZnO [TE]

 

Les développements les plus récents des câbles et de leurs accessoires sont ceux destinés aux réseaux de transport CCHT, pour lesquels la tension ± 320 kV semble correspondre à l'état de l'art, les niveaux ± 550 kV et ± 640 kV étant encore en développement. Pour les câbles CCHT les principaux principes de répartition des champs sont basés sur une répartition résistive non linéaire, mais la répartition géométrique est aussi appliquée pour prendre en compte les surtensions, mettant en œuvre de nouveaux matériaux isolants à base de caoutchouc, qui offrent une conductivité CC satisfaisante, avec moins de formation de charges d'espace. Les Figures 9 et 10 présentent une jonction et une extrémité de câble ± 320 kV CC, dans laquelle est intégrée une couche résistive non linéaire de répartition de champ. Bien que les premiers essais de type et de requalification sur des câbles à 320 kV et au-dessus aient été passés avec succès, la technologie n'est toujours pas entrée définitivement dans la pratique, et demande encore des développements. Une des motivations importantes de ces développements est, en Allemagne et dans d'autres pays en Europe, liée aux plans de construction de liaisons de transport souterraines CC de plusieurs GW, et de plusieurs centaines de kilomètres.

Figure 9 - Jonction pour câble 320 kV CC intégrant une couche résistive non linéaire de répartition de champ [7]

Figure 10 - Extrémité de câble 320 kV CC [8]

En ce qui concerne les systèmes embrochables et les connecteurs séparables, les systèmes à cône déflecteur interne et externe sont disponibles. Le champ électrique à l'intérieur d'un connecteur séparable est habituellement réparti géométriquement avec des déflecteurs constitués de matériaux conducteurs, tels que des élastomères chargés de noir de carbone. En variante, des vernis ou des revêtements conducteurs sont utilisés. A la différence des jonctions et des extrémités, pour lesquelles la tenue électrique de l'interface entre l'isolation du câble et le cône déflecteur est essentielle, les connecteurs séparables présentent une interface complémentaire, très critique, entre le cône déflecteur et, respectivement, la prise ou la traversée. Les deux interfaces doivent tenir la contrainte de tension appliquée. Dans ce but une pression de contact suffisante élevée entre les couches doit être assurée, ce qui constitue une des principales difficultés de la conception de ces dispositifs. Alors que les connecteurs séparables à cône externe sont largement utilisés dans la plage des moyennes tensions et pour les tensions de transport basses (Us £ 72.5 kV), les systèmes à cône interne sont utilisables pour des tensions allant jusqu'à 550 kV (CA). Ils requièrent une encapsulation métallique, qui réalise ainsi un écran total. Aujourd'hui des jonctions embrochables et des extrémités comportant des répartiteurs de champ constitués de couches intégrant des microvaristors non linéaires sont également disponibles.

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Figure 11 - Système d'isolation d'un transformateur à haute tension classique, avec le noyau, les enroulements basse tension LV, haute tension HT et l'enroulement de compensation CW (représentation schématique de l'intérieur vers l'extérieur) [9]

Les systèmes d'isolation à barrière d'huile ont été introduits dans les années 1960, et constituent toujours l'état de l'art (Figure 11). La technologie du carton comprimé met en œuvre un isolant liquide, qui assure la tenue électrique de base par le remplissage et l'imprégnation de l'ensemble de la structure d'isolation du transformateur, et une isolation solide qui constitue une barrière divisant les canaux fortement contraints en petits éléments. La subdivision des longs intervalles d'huile réduit le risque d'une formation de particules de grande longueur et de ponts de fibre dans les zones de fortes contraintes du champ E. Elle autorise en outre des contraintes de champ plus élevées tout en demandant moins d'espace, conduisant ainsi à des coûts plus faibles qu'avec une isolation uniquement par huile.

Aujourd'hui de nouveaux fluides à base d'esters naturels deviennent de plus en plus intéressants, et il arrive que l'utilisateur final veuille rénover les transformateurs existants en utilisant un fluide d'isolation nouveau. Mais les fluides à base d'esters possèdent des permittivités plus élevées que les huiles minérales, et quelquefois des effets inattendus sur la répartition du champ interne doivent être pris en compte quand on change complètement le système d'isolation d'un transformateur.

Il faut porter une attention particulière au cas des transformateurs des convertisseurs, parce que la combinaison entre huile et carton comprimé est exposée, du côté valve, à une tension composite CA-CC. La conception du système d'isolation utilisé pour les applications CCHT est complètement différente de celui des transformateurs pour utilisation AC. La recherche fondamentale sur le comportement diélectrique sous contrainte CC, et tout spécialement celui des matériaux liquides d'isolation et des interfaces avec l'isolation solide, est toujours en cours. Les recherches portent surtout sur les mécanismes physiques qui contribuent à la conductivité de l'huile, c. à d. la génération, le transport, et la recombinaison des porteurs de charges, ainsi que la formation des charges d'espace et l'interaction des interfaces entre liquide et barrière solide (charges de surface). Pour analyser le comportement CC des matériaux des méthodes comme les impulsions électro-acoustiques (PEA), ou des mesures utilisant l'effet Kerr des liquides diélectriques, permettent un examen direct des matériaux sous champ CC. La recherche conduit à une compréhension assez nouvelle des systèmes d'isolation, et de ce fait il est possible qu'à l'avenir de nouvelles règles de conception et méthodes de modélisation du comportement des systèmes d'isolation des transformateurs sous contraintes CC soient mises en place.

Les traversées haute tension sont utilisées pour permettre à un conducteur sous haute tension de traverser une paroi mise à la terre, par ex. la cuve d'un transformateur. Les traversées sans répartiteurs ne peuvent être utilisées que pour des tensions plutôt basses du fait de la tension de seuil basse des décharges superficielles sur l'isolation. En moyenne tension on utilise habituellement des traversées à répartiteurs géométriques, alors que des traversées à répartiteurs géométriques et à condensateurs sont en général nécessaires au-dessus de 70 kV environ. Les traversées haute tension compactes développées récemment mettent en œuvre des couches de matériau non linéaire de répartition de champ, par exemple une couche de résine époxy imprégnée de microvaristors, qui est appliquée directement sur la surface d'un isolateur creux, et constitue l'interface entre le tube en plastique renforcé de fibre de verre et les ailettes (Figure 12). Ceci permet des conceptions très compactes, avec des dispositions géométriques internes de répartition de champ simplifiées, qui sont dénommées « traversées mince » dans la littérature.

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Figure 12 – Traversée classique à répartiteur géométrique (gauche) et « traversée mince » à microvaristor (centre) ; détails d'une utilisation de microvaristor (droite) [10]

Dans les machines électriques tournantes, la répartition du champ est appliquée pour réduire l'élévation locale du champ à l'extrémité des encoches stator. Ce système de répartition du champ, souvent désigné comme « protection d'effet couronne d'extrémité », est indispensable pour les machines dont les tensions nominales sont supérieures ou égales à 6 kV environ. Les conditions du fonctionnement mécanique, thermique et électrique de ces systèmes d'isolation sont extrêmement sévères (Figure 13).

Figure 13 – Défaut de cheminement provoqué par une contrainte thermique excessive (gauche) [11] et indication de détérioration DP [12] dans le système de répartition de champ

En fonction du processus de fabrication ou de la conception de la barre stator, des rubans ou des vernis sont aujourd'hui appliqués pour répartir le champ. Habituellement des matières de charge modérément non linéaires sont utilisées. Des alternatives ont été examinées, par ex. à base de microvaristors ZnO ou d'oxyde d'étain, mais elles n'ont pas pu remplacer les solutions classiques, jusqu'à présent. Alors que chaque couche de vernis peut être adaptée électriquement par l'utilisation de différents types, ou quantités, de particules de charge, les rubans présentent une caractéristique déterminée de résistance électrique, prédéfinie par le fabricant du ruban. Ce désavantage peut être compensé en ajoutant des couches de peinture de longueurs différentes, ou en enroulant différent types de ruban, par étapes. Obtenir les innombrables degrés de liberté possibles exige de comprendre très complètement le comportement du système en fonction de la peinture, et de nombreuses années d'expérience de conception et d'exploitation.

Les moteurs commandés par des convertisseurs appellent une approche spéciale. Les matériaux répartiteurs de champ électrique qui donnent satisfaction à la fréquence réseau (50/60 Hz) peuvent subir des défaillances prématurées quand ils sont exposés aux impulsions modulées en largeur (PWM) des convertisseurs à source de tension (VSC). Les matériaux répartiteurs conçus pour des utilisations à la fréquence réseau peuvent ne pas être capables de tenir la contrainte provoquée par des dU/dt élevés sur la surface des extrémités des enroulements (Figure 14).

Figure 14 – Développement de points chauds dans la région du répartiteur de champ en dehors de l'encoche simulée, pour des fréquences de commutation de 5 kHz (gauche) et 50 kHz (droite [13]

De même le comportement d'isolateurs « simples » pourrait, par principe, être amélioré par des actions de répartition du champ électrique. Pour des isolateurs céramiques de ligne un émail a été déposé pour améliorer la tenue à la pollution, mais sans un grand succès. Une approche similaire été examinée pour les isolateurs composites de ligne, avec une application d'une couche d'un matériau non linéaire à base de microvaristors, mais sans un grand avantage, non plus (Figure 15).

Figure 15 – Modèle de la suppression du développement d'arc de zone sèche au moyen d'une couche microvaristor couplée capacitivement (gauche) [14] et isolateur de ligne non céramique recouvert d'une couche de caoutchouc silicone chargé de microvaristors [15]

Conclusion et perspectives de besoins et de développements futurs

La Brochure Technique donne une large vue d'ensemble des concepts de répartiteur de champ électrique, et en explique aussi en détail les aspects particuliers. Elle propose des recommandations en matière de modélisation, de caractérisation et de normalisation, en particulier pour les matériaux non linéaires et les systèmes de répartition des champs électriques, qui peuvent être utilisées comme des contributions utiles à la normalisation des spécifications et à la définition de procédures d'essais adéquates. Il n'existe pas à ce jour d'approches normalisées relatives à aucun de ces aspects. Sans de telles normalisations le développement des systèmes non linéaires de répartition de champ est extrêmement difficile, dans la mesure où les fabricants des matières de charge, ou des composites finaux, peuvent habituellement choisir différentes approches de caractérisation de leurs produits. Aujourd'hui, quand on doit développer un système répartiteur spécifique, il est à peine possible de formuler des spécifications pour la matière de charge. Trop de paramètres sont définis et déterminés de manière différente par les divers fabricants. En particulier, l'utilisation des systèmes résistifs fortement non linéaires de répartition des champs dans les équipements CAMT et CCHT est freinée, parce que les normes pertinentes imposent de procéder à des essais de tenue CA à des niveaux élevés, afin de garantir des marges de sécurité définies sur la base de données anciennes. Avec l'intégration des systèmes non linéaires de répartition des champs dans les conceptions modernes, cela peut conduire à des surcharges et des échauffements, et même à des destructions locales, du répartiteur de champ lors des essais. Les normes nouvelles à venir, ou les nouvelles éditions des normes existantes, pourraient avoir à en tenir compte.

En matière de développements futurs, on pourrait citer l'utilisation de l'impression 3D, qui semble être un moyen très prometteur de création d'isolateurs et d'équipements HT à répartition spatiale et fonctionnelle de champ, et qui est actuellement en cours d'investigation. Les isolations CCHT, et les systèmes de répartition de champ correspondants, vont gagner en importance, comme ce sera le cas pour les systèmes d'isolation « intelligents » qui auto-adaptent leurs propriétés électriques et mécaniques aux conditions réelles de l'environnement et de l'exploitation. Une autre difficulté fondamentale avec les nouvelles approches de répartition non linéaire vient du manque d'offres de matières de charge non linéaires sur le marché. Les utilisations pour les accessoires de câbles, l'isolation des machines électriques tournantes, les isolateurs de ligne et les isolateurs creux, ou les isolateurs pour champs élevés des GIS, demandent des degrés très différents, et une large palette de non linéarités et de tenues aux champs de « commutation », c. à d. les champs auxquels le matériau devient plus conducteur. Il se peut que pour ces applications le marché soit trop limité, ou que le besoin de performance soit trop faible pour justifier le développement de tels matériaux pour des utilisations nouvelles. Une conception sur mesure, systématique et prévisionnelle, des systèmes de répartition non linéaires de champ n'est pas, par conséquent, encore possible, et les approches actuelles sont souvent du type « on essaie et on se trompe », avec des résultats inattendus et surprenants, parfois voulus, parfois non. Le développement dans cette direction est encore freiné, non seulement par le manque de matières de charges adaptées, mais aussi par l'absence de normalisation.

Références

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  2. Staubach, C.: Herausforderungen bei Auslegung und Betrieb von nichtlinear resistiven Feldsteuerungssystemen in Kabelanlagen, 94. Kabelseminar, Hannover, 2019
  3. Secklehner, M.; Hussain, R.; Hinrichsen, V.: Tailoring of new Field Grading Materials for HVDC Systems. INSUCON 2017, Birmingham, 2017
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  14. Hinrichsen, V.; Küchler, A.: Grundlagen der Feldsteuerung. ETG Workshop "Feldsteuernde Isoliersysteme", 22. & 23. November 2011, Darmstadt, 2011
  15. Debus, J.; Hinrichsen, V.; Seifert, J.: Improved Performance of Silicone Rubber Composite Insulators by Micro-Varistor filled Components. XVII International Symposium on High-voltage Engineering, Hannover, Germany, 2011

D1

Materials and emerging test techniques

The scope of Study Committee D1 covers new and existing materials for electrotechnology, diagnostic techniques and related knowledge rules, as well as emerging test techniques with expected impact on power systems in the medium to long term.

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