Mise à jour de l'expérience acquise sur les systèmes de câbles souterrains et sous-marins HT en service
Les entreprises du secteur de l'électricité s’appuient sur des données précises pour prendre des décisions concernant le développement des installations souterraines et sous-marines des câbles à haute tension. Ces décisions portent notamment sur le choix de la méthode d'installation, la technologie d'isolation des câbles et le type d'accessoires.
Pour éclairer ces décisions, CIGRE recueille, depuis 1977, des statistiques sur les systèmes de câbles en exploitation.
Chef de File
(DK)
S. DAMSGAARD MIKKELSEN
Secrétaire
(DK)
J. FABRICIUS NIELSEN
K. IWASAKI (JP), A. PELIZZONI (IT), J. MOENS (BE), R. MOSIER (US), A. DÍEZ OSORIO (ES), H. STAGGE (DE), S. BIYELA (SA), R. ROSSETTI (FR), H. YOUNES (CA)
Membre Correspondant: J. LANSLEY (AU)
En 2009, les statistiques couvrant les systèmes de câbles souterrains pour les années 2001 à 2005 et les systèmes de câbles sous-marins pour les années 1991 à 2005 ont été publiées dans la TB 379.
Depuis cette date, des quantités importantes de câbles et d'accessoires ont été installées et les technologies et techniques de pose ont mûri et évolué. Dans le domaine sous-marin en particulier, la quantité de câbles a fortement augmenté en raison du développement de l'énergie éolienne en mer et des interconnexions.
Cet article d'Electra est une synthèse de la brochure technique rédigée par le Groupe de Travail B1.57 du CIGRE.
Périmètre
La Brochure Technique est une mise à jour des statistiques sur les systèmes de câbles en exploitation sur une période de dix ans, s’étalant de 2006 à 2015. Tous les systèmes de câbles souterrains et sous-marins à courant alternatif et à courant continu de plus de 60 kV sont concernés.
Les informations recueillies et publiées dans la brochure sont principalement les suivantes :
- Longueur de câble et nombre d’accessoires terrestres et sous-marins
- Type de courant (AC ou DC)
- Technologie de câble
- Mode d'installation
- Défaillances d’origines internes et externes
Les technologies de câbles suivantes sont considérées :
- SCOF – Câble à huile fluide
- MIND – Câble à papier imprégné d’huile non migrante
- HPOF – Câble oléostatiques
- GC – Câble à pression interne de gaz
- EPR – Câble à isolation extrudé - EPR
- PE – Câble à isolation extrudé - Polyéthylène
- XLPE – Câble à isolation extrudé - Polyéthylène Réticulé
Population des câbles souterrains
Le tableau ci-dessous indique les longueurs de câbles souterrains collectées lors de l’enquête du GT B1.57 de 2019 et compare ces chiffres avec l’enquête précédente du GT B1.10 publiés en 2009 (CIGRE TB 379).
Au total, 29.350 km de circuit de câbles souterrain AC ont été renseignés dans cette enquête. Pour les câbles souterrains AC de 60 kV à 219 kV, on dénombre :
- 75 % de câbles XLPE
- 20 % de câbles SCOF
- 2 % de câbles HPOF
- 3 % de câbles d’autres technologies
Pour les câbles souterrains AC au-delà de 220 kV :
- 60 % de câbles XLPE
- 29 % de câbles SCOF
- 10 % de câbles HPOF
- 1 % de câbles d’autres technologies
Depuis 2005:
- 24 % des câbles AC de l’enquête ont été installés entre 2006 et 2015
- La quasi-totalité des câbles terrestres AC installés sont des câbles XLPE (98%)
- Les câbles SCOF et HPOF ne représentent respectivement que 0,7% et 0,5% et les câbles EPR 0,7 %.
- Aucun câble PE n'a été installé depuis 2005.
Un total de 1.045 km de circuit de câbles souterrain DC a été mentionné lors de cette enquête. Les câbles à isolation extrudée représentent 64 %, les câbles SCOF 19 % et les câbles MIND 17 % de cette longueur. De plus, 72% des câbles mentionnés ont été installés depuis 2005.
Défauts sur les systèmes de câbles souterrains
Au total, 744 défauts ont été signalés sur les systèmes de câbles souterrains entre 2006 et 2015. Seulement 2 défauts concernent des câbles souterrains à courant continu, les 742 autres défauts sont sur des câbles souterrains à courant alternatif.
Les défauts d’origine interne représentent 64 % de toutes les défauts contre 29 % pour celles d’origine externe. Les 7 % restants ont une origine inconnue.
Bien qu’il soit généralement admis que les accessoires présentent un taux de défaillance plus élevé que le câble lui-même, ces statistiques montrent que 56% de tous les défauts sont attribués au câble, 16% aux jonctions, 18% aux extrémités et 9% aux autres composants.
Le tableau suivant présente, pour les liaisons souterraines AC, le taux de défaillance d’origine interne et externe de la seule partie câble par tension et type d'isolation.
Voici quelques observations issues de ces chiffres:
- Le taux de défaillance des câbles SCOF est environ deux fois plus élevé que celui des câbles XLPE. Il faut cependant souligner que l'âge moyen des câbles SCOF est nettement plus élevé que celui des câbles XLPE. Les câbles HPOF et EPR ont un taux de défaillance quatre fois supérieur à celui des câbles XLPE
- Les câbles PE affichent un taux de défaillance très élevé - plus de 20 fois le taux de défaillance des câbles XLPE. Cependant, notez que la population de câbles PE dans l'enquête est très faible (<0,5%).
- Le taux de défaillance global des câbles XLPE a augmenté d'environ 30 % depuis la publication de la TB 379. Cela est dû à une très forte augmentation des taux de défaillances internes (environ 130 %) et une diminution significative (environ 40 %) des taux de défaillances externes.
- Le taux de défaillances des câbles a augmenté d'environ 50 % pour les câbles SCOF depuis la publication de la TB 379. Cela est dû à une très forte augmentation des taux de défaillances internes (environ 120 %) et une légère augmentation (environ 20 %) du taux de défaillances externe.
Les tableaux suivants présentent le taux de défaillance des accessoires pour les câbles souterrain en courant alternatif, en fonction de la tension.
Ces deux tableaux permettent de faire l’analyse suivante :
- Le taux de défaillance des jonctions sur les systèmes de câbles SCOF est 2,4 fois plus important que sur les systèmes de câbles extrudés.
- Pour les systèmes de câbles extrudés, on observe une augmentation du taux de défaillance des jonctions aux tensions les plus élevées, alors que le constat est inversé pour les systèmes de câbles SCOF. Cela peut être dû à une population plus faible pour les câbles de tensions élevées.
- Pour les systèmes de câbles extrudés, les extrémités composites remplies de fluide ont un taux de défaillances beaucoup plus élevés que les autres types d’extrémités. Le taux de défaillance est plus de 12 fois supérieur à celui des extrémités porcelaine remplies de fluide.
- Les extrémités composites sèches installées sur les systèmes de câbles extrudés ont, pour les tensions inférieures à 110 kV, un taux de défaillance beaucoup plus élevé (plus de 60 fois) que les extrémités porcelaines remplie de fluide.
- Pour les extrémités PSEM et transformateur des systèmes de câbles extrudés, le taux de défaillance est presque deux fois plus élevé pour les extrémités remplies de fluide que pour les extrémités sèches.
- Le taux de défaillance des jonctions XLPE a diminué de 40 % depuis la publication de la TB 379, alors que le taux de défaillance des extrémités XLPE a augmenté de 300 % par rapport à la TB 379.
- Le taux de défaillance des jonctions SCOF a augmenté de 90% depuis la publication de la TB 379, et le taux de défaillance des extrémités sur la même technologie a augmenté de 170% par rapport à la TB 379.
Temps d’indisponibilité pour les câbles souterrains
Le tableau suivant indique les temps moyens d’indisponibilité lors d’une défaillance selon les différentes technologies et niveau de tension.
Le temps moyen d’indisponibilité lors d’une défaillance pour les câbles XLPE et SCOF sont du même ordre de grandeur qu’en 2009.
Systèmes de câbles sous-marins
1 530 km de câbles sous-marins à courant alternatif et 4 567 km de câbles sous-marins à courant continu ont été renseignés dans cette enquête. 65% des câbles sous-marins AC issus de l’enquête ont été installés entre 2005 et 2016, alors que 72% des câbles sous-marins DC ont été installés sur la même période.
69 % des câbles sous-marins à courant alternatif sont isolés au XLPE et 23 % des sont isolés au SCOF. En ce qui concerne les câbles sous-marins à courant continu, les câbles à isolation extrudée représentent 17 %, les câbles MIND 67 % et les câbles SCOF 16 %.
La Brochure Technique donne plus de détails sur les taux de défaillances, les temps d’indisponibilité des câbles sous-marins, et des informations sur les modes d'installation.
La comparaison suivante entre la TB 379 et l’actuelle enquête est toutefois intéressante.
Ce tableau permet d’illustrer que le taux de défaillance des câbles sous-marins est nettement inférieur au taux de l'enquête précédente. On explique ce constat du fait de :
- L’amélioration des méthodes d’études en mer (géophysique) et de détermination du tracé optimal des câbles,
- L’amélioration des modes de poses et de protection des câbles sous-marins,
- L’attention particulière apportée à la protection par ensouillage ou d'autres méthodes de protection lors de l'installation.
On peut également observer que les temps moyens d'indisponibilité ont augmenté significativement depuis la publication de la TB 379. Ces temps sont passés d'environ 2 mois à 3,5 mois. Les hypothèses avancées sont une diminution du nombre de contrats et procédures d’urgences préétablies chez les opérateurs de câbles sous-marins, mais aussi le fait que de nombreux câbles ont été installés dans des zones avec des conditions de mer compliquées (Mer du Nord).
Conclusions
Dix ans se sont écoulés depuis la publication de la TB 379, et pendant cette période, de nombreuses sources de productions d'énergies renouvelables ont été raccordées aux réseaux électriques. Cela a nécessité la construction de liaisons de raccordement et d’interconnexions afin d'optimiser au mieux l’utilisation de ces ressources. La fiabilité du réseau électrique en général, et donc des câbles souterrains et sous-marins, est particulièrement importante pour garantir l’intégration optimale de ces sources de production d’énergie renouvelables.
Durant ces dix ans, la part des technologies des câbles installés a évolué. Dans le domaine des câbles terrestres à courant alternatif, les câbles à huile fluide et papier imprégné ont été largement remplacés par des câbles XLPE. Bien que la proportion de câble MIND soit encore élevée pour les câbles sous-marins à courant continu, l’utilisation de la technologie XLPE a été étendue aux niveaux de tension plus élevés grâce aux récents développements technologiques.
L'objectif principal du GT B1.57 était de collecter des données fiables sur l’exploitation et les performances de différentes technologies de câbles, d'accessoires et de méthodes d'installation. Toutes les informations collectées à travers cette enquête étant utiles à l’ensemble de l’industrie, cela souligne la nécessité pour tous les exploitants de réseaux de disposer de processus fiables pour collecter les données sur les systèmes de câbles installés et les défauts qui surviennent en exploitation.